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2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 02:40

Pour le chef de la police israélienne, il est « naturel » de se méfier des Éthiopiens et des Arabes

Le chef de la police d’Israël a fait une série de remarques controversées sur les Éthiopiens, les migrants et les Arabes lors d’un rassemblement d’avocats
Un garde-frontière israélien à Jérusalem-Est, après une présumée attaque au couteau contre un homme juif (AFP)
MEE et agences
31 août 2016
Derni
Mardi, le chef de la police israélienne a suscité la controverse en affirmant à un groupe d’avocats qu’il est « naturel » pour ses agents de soupçonner davantage les Éthiopiens, les migrants en général et les Palestiniens.
Lors d’une réunion de l’Association du barreau d’Israël à Tel Aviv, le commissaire Roni Alsheich a déclaré qu’il était naturel que les migrants soient davantage soupçonnés que le reste de la population.
« Des études dans le monde ont prouvé que les immigrants et les jeunes étaient invariablement plus impliqués dans la criminalité que les autres », a-t-il assuré. « Cela s’applique également aux Arabes… et aussi à Jérusalem-Est. Quand un policier arrive vers un individu suspect [d’origine éthiopienne], il le suspecte naturellement plus que quelqu’un d’autre. Nous le savons. Nous avons commencé à gérer cela. »
Alsheich a immédiatement été critiqué pour ses remarques par des organisations éthiopiennes et quelques politiciens israéliens.
Bien qu’il ait précisé que la communauté éthiopienne entretient de bonnes relations avec la police et que toutes deux travaillent en étroite collaboration pour essayer de réduire les conflits avec les forces de police, l’organisation des immigrants éthiopiens en Israël a demandé son renvoi au vu de ces commentaires incendiaires.
« Un homme comme lui ne peut pas diriger un organisme aussi important », a déclaré l’organisation.
Les juifs éthiopiens qui ont immigré en Israël se plaignent depuis longtemps du racisme.
Le chef de la coalition politique Union sioniste a déclaré que les Éthiopiens qui immigrent en Israël doivent être pleinement traités comme des Israéliens.
« Non seulement le commissaire ne s’occupe pas de la violence policière envers la communauté éthiopienne, mais au contraire il l’encourage », a déclaré Merav Michaeli. « Les jeunes immigrants éthiopiens ne sont pas des ‘’migrants’’. Ils sont pleinement Israéliens. »
The Jerusalem Post a rapporté que les remarques d’Alsheich avaient provoqué la réprobation des avocats présents à la conférence.

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation.

http://www.middleeasteye.net/fr/reportages/pour-le-chef-de-la-police-isra-lienne-il-est-naturel-de-se-m-fier-des-thiopiens-et-des

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2 septembre 2016 5 02 /09 /septembre /2016 02:38

Les étranges convergences irano-américaines en Irak

À L’OMBRE D’UN CONFLIT ANCRÉ DANS L’HISTOIRE

Les relations irako-iraniennes comptent parmi les plus anciennes qui soient entre deux civilisations voisines. Elles sont marquées par des tentatives successives d’affaiblissement de l’autre et de domination. L’anéantissement de l’Irak actuel par les États-Unis a largement bénéficié à l’Iran qui, subissant l’embargo imposé par les pays occidentaux, a trouvé en Irak un véritable débouché économique. Ainsi le maintien d’un Irak paralysé et déchiré répond-il finalement aux objectifs des deux puissances. Face à eux, la renaissance du nationalisme irakien passe par un front d’action pluraliste et unifié contre la corruption et le système confessionnel des quotas.

Marquées par des influences mutuelles et des conflits, les relations irako-iraniennes comptent parmi les plus anciennes qui soient entre deux civilisations voisines. À l’époque sumérienne babylonienne, l’Iran était soumis aux tout premiers empires irakiens, et les religions anté-monothéistes y ont laissé une empreinte profonde. Par la suite, la montée de l’empire perse a abouti en 639 av. J.-C. à l’occupation de Babel. Ces contrées, irakiennes d’abord, puis iraniennes, ont cédé devant les conquêtes islamiques (636 apr. J.-C.), avant d’entrer dans le giron de l’empire abbasside qui avait Bagdad pour capitale. Enfin, l’État safavide a émergé après 15011 et s’est arrogé les territoires de l’Iran. En échange, l’Irak est occupé par les Ottomans ; un Irak dont la situation délétère à l’époque rappelle celle d’aujourd’hui — toutes précautions comparatives prises en compte.

« RUPTURE CIVILISATIONNELLE »

L’Irak est soumis à une contrainte dont la méconnaissance égare l’observateur extérieur. Pour des raisons constitutives propres, ce pays est marqué par des périodes de « rupture civilisationnelle », du fait de sa structure complexe et sensible. En effet, celle-ci exige un système sophistiqué, hautement maîtrisé, de réseaux d’irrigation et de barrages, ainsi qu’un contrôle très strict des rives du Tigre et de l’Euphrate. Les mouvements de crues et de décrues des deux fleuves ne correspondent pas aux cycles des cultures et peuvent s’avérer très destructeurs à la montée des eaux. La gestion d’une telle situation nécessite le maintien d’un équilibre délicat entre le cadre du pouvoir politique au sommet et la société égalitaire, guerrière et autonome à la base. Lorsque cet équilibre est rompu, ce sont les fondements de la civilisation dans son ensemble qui s’effondrent, ouvrant la voie au chaos et aux guerres internes. Ce fut le cas sous les dynasties safavide puis ottomane, l’Irak venant à peine de sortir de la seconde période de rupture provoquée par l’occupation de Badgad par l’armée mongole de Houlagou Khan, en 1258. Ladite période s’étendit jusqu’au XVIIe siècle, quand la nouvelle configuration de la société commença à émerger sous la forme d’alliances tribales — la première et la plus importante d’entre elles étant l’alliance des tribus de Muntafiq.

Des préjugés idéologiques dans la recherche universitaire ont longtemps écarté une seconde spécificité constitutive, à savoir que l’Irak s’est structuré à partir de son sud actuel, selon des mécanismes qui président à la formation des civilisations de ces contrées. Constitué sous la dynastie des Obeïdites (886-912) à proximité de l’actuelle Bassora, l’Irak engloba, au cours du premier cycle de civilisation suméro-babylonienne, la ville de Sumer à l’extrême sud de la Mésopotamie. Après la conquête islamique, elle s’étendait sur Bassora, Koufa et Ard Al-Sawad, mais pas encore jusqu’à Bagdad. Le choix de Bagdad comme centre de pouvoir s’est imposé progressivement, comme moyen d’échapper à un environnement clanique collectiviste peu accueillant et hostile à l’État. Il faut dire que la population de Bagdad ne présentait pas les mêmes caractéristiques que celles qui lui étaient voisines, méfiantes à l’égard de tout pouvoir extérieur qui n’émanait pas directement de leurs propres structures. De fait, fondée à Koufa, la dynastie abbasside se trouva confrontée à des soulèvements, qui contraignirent ses fondateurs à changer de centre de pouvoir. Le nouveau centre, Ramadi, n’était pas plus accueillant ; les fondateurs choisissent alors une région du nom d’Al-Hachimiya, dans la région du Moyen Euphrate. Là encore, contestations et soulèvements ne tardèrent pas à les repousser vers Bagdad.

Dans le troisième cycle civilisationnel, celui que connaît l’Irak contemporain, nous relevons la résurgence des manifestations dans le sud du pays, là même où est née la civilisation sumérienne, dans le Muntafiq ou Zi Qar, selon la terminologie officielle.

LE COMPLEXE PERSAN

Les Iraniens, notamment dans leur composante persane, nourrissent deux types de ressentiment : celui d’avoir échoué à marquer la région de leur empreinte culturelle, et celui de ne pas avoir préservé leur propre culture, qu’ils ont abandonnée au profit de l’islam, projet spirituel et culturel arabe. Ce projet a mis un terme à la présence de la culture et des religions persanes et appauvri la langue persane. Rappelons que les Perses avaient historiquement fondé un empire fort dont l’influence s’étendait jusqu’en Grèce, mais qu’ils avaient perdu la compétition culturelle et religieuse au fil des invasions.

La politique iranienne est marquée par la persistance d’atavismes persans chez une partie des Iraniens et se traduit par une contradiction insoluble. D’une part, il y a la nécessité de s’affirmer au niveau national à travers l’islam, religion venue d’ailleurs. D’autre part, il y a l’aspiration impériale, marquée par la glorification d’un empire disparu au fil de l’histoire.

De fait, dans la mesure où l’Irak est proche de l’Iran et à même de le concurrencer, les liens entre les deux pays sont demeurés très complexes. Leur relation est marquée par des tentatives d’affaiblissement de l’autre et de domination, comme si l’un ne pouvait se relever sans mettre l’autre à genoux. Ainsi, en 1921, l’Iran fut le seul pays à s’abstenir de reconnaître l’État établi par les Britanniques en Irak, et ne le reconnut qu’en 1929. En revanche, c’est avec enthousiasme que Téhéran admet l’Irak actuel, sous la férule américaine, et y développe autant de relations que possible, et pour cause : l’Irak n’est plus une entité nationale. L’État moderne établi en 1921 a disparu avec l’invasion américaine, au profit d’une situation où règnent des forces infraétatiques dont, au premier chef, les diverses confessions.

L’anéantissement de l’Irak actuel a été le plus beau cadeau fait par les États-Unis à l’Iran. Alors qu’il subissait un embargo économique imposé par les pays occidentaux, l’Iran a trouvé en Irak un véritable débouché économique. La balance commerciale iranienne se chiffre positivement à 18 milliards de dollars. Tel est l’objectif recherché par Téhéran : consolider ses rapports avec un Irak qui brille davantage par son absence que par sa productivité économique, et en faire son premier partenaire commercial et le plus faible. L’Irak a été (est) le poumon économique de l’Iran sous sanctions.

La situation établie par les États-Unis en Irak est on ne peut plus propice à l’Iran, d’autant que les forces infraétatiques y voient la possibilité de s’épanouir et de prospérer. Du fait de la stabilité politique en Iran (renforcée par le poids de la superficie et de la démographie iraniennes), la relation avec la communauté chiite irakienne paraît une évidence, dans deux des quatre pays au monde où la confession chiite est majoritaire (les deux autres étant l’Azerbaïdjan et Bahreïn). De même, la prépondérance de la présence iranienne en Irak se pose comme une réalité indéniable, bien que placée sous surveillance américaine, et en dépit de l’hostilité historique des Irakiens.

LA DOCTRINE DU VELAYAT-E FAQIH

Pour autant, en dépit de la situation singulière de l’Irak actuel, l’Iran ne jouit pas d’un blanc-seing pour ses privilèges. Il est facile de constater que les courants et milices irakiens proches de l’Iran évitent, voire s’abstiennent de se réclamer publiquement duvelayat-e faqihwilayat al-faqih en arabe —2. En effet, ce principe de gouvernance ne bénéficie d’aucune popularité auprès des Irakiens chiites, en particulier auprès du clergé de Nadjaf, et de l’autorité spirituelle suprême, Ali Al-Sistani. Ce dernier persiste à défendre des positions que la presse européenne perçoit comme l’expression d’une forme de « nationalisme chiite » irakien. En réalité, cette position ne fait que confirmer une tradition bien ancrée à Nadjaf, inscrivant Sistani dans la lignée de son prédécesseur Abou Al-Kassim Al-Khoi. Ce dernier avait persisté dans son rejet du velayat-e faqih, alors même que la révolution iranienne battait son plein à l’époque de Khomeiny.

Rappelons que la marja’iyya — la communauté des marja’ ou « sources d’imitation », les plus hautes autorités dans le chiisme qui ont le titre de « grand ayatollah » — du gouvernorat de Nadjaf s’est construite sur la base d’une divergence théologique de fond avec le chiisme iranien. Le chiisme irakien actuel est en effet le fruit d’un processus récent qui remonte au XVIIIe siècle, dont l’émergence renvoie à un contexte propre à l’histoire politique du pays. À cette époque, dans un contexte de construction étatique de l’Irak moderne, une période de renouveau religieux s’ouvrit pour le clergé de Nadjaf, après une première période tribale au cours de laquelle il avait entrepris une campagne de conversion au chiisme auprès des tribus majoritairement sunnites d’Ard Al-Sawad. En échange, il s’était laissé imprégner de la nature participative et égalitaire des tribus, en adoptant à l’identique les formes des relations internes non autoritaristes et consultatives. Nadjaf émergea comme ville-État sainte, le clergé refusant de s’y attribuer le monopole de la violence légitime. Les unités combattantes égalitaires y étaient liées par la puissance du dogme. Pour s’assurer une meilleure union avec l’environnement tribal, Nadjaf étudia le système de définition de l’autorité religieuse et inventa un système non autoritariste, situé aux antipodes du projet safavide.

Les Safavides, quant à eux, s’attribuèrent les services de théologiens, afin de conforter les assises de leur légitimité. Cette pratique remonte à la fondation de la dynastie safavide auXVIe siècle : le fondateur, Chah Tahmasab Ben Ismaïl, convoqua auprès de lui le théologien Al-Muhaqqiq Al-Karaki, originaire du Jabal Amel libanais. Le clergé de Nadjaf réagit vigoureusement à cette situation dans un ouvrage signé d’un théologien du nom d’Al-Quteifi : dans cet ouvrage, la caution apportée par le théologien à l’autorité du gouvernant, ce dernier fût-il chiite, est rejetée en bloc.

Aux yeux du clergé, le velayat-e faqih khomeinite est une réplique de celle des Safavides et à ce titre, rejetée. Notons que lamarja’iyya de Nadjaf est devenue l’autorité théologique de référence pour le chiisme dans le monde, tant pour l’ijtihad, dutaqlid que de la hawza, y compris pour la ville sainte iranienne de Qom, centre du chiisme iranien. Elle l’est restée, même après l’effondrement de la dynastie safavide en 1743. Ce qui nous renvoie à la domination du modèle arabe irakien évoqué ci-dessus, et révèle la profondeur des divergences structurelles entre les deux pays.

LE COURANT SADRISTE

La marja’iyya n’est pas seule à refuser le velayat-e faqih au profit d’une lecture proprement irakienne du chiisme. Le courant sadriste large et représentatif des catégories sociales défavorisées et de la jeunesse chiite revendique également le legs intellectuel des deux grands penseurs islamiques, Mohamed Bakr Al-Sadr et Mohamed Sadeq Al-Sadr. Ils ont été tous deux porteurs d’un renouveau théologique apparu au cours des années 1950 dans le chiisme irakien, et d’un souffle qui allait nourrir des mouvements islamiques chiites développés en dehors, et parfois en opposition à la marja’iyya traditionnelle.

En tête de ces mouvements se trouve le parti Al-Dawa al-islamiyya (Parti islamique de la prédication), auquel appartiennent les trois premiers ministres irakiens successifs depuis 2006, Ibrahim Al-Jaafari, Nouri Al-Maliki et Haïdar Al-Abadi. Aussi, lors des dernières manifestations appelant aux réformes et menées principalement par le courant sadriste, le slogan « Iran, barra ! barra ! » (Iran, dehors ! dehors !) a été entonné par des dizaines de milliers d’adhérents. C’est loin d’être un fait anecdotique et revêt incontestablement de profondes significations, dont le débat sur la place du clergé et du confessionnalisme politique au sein de l’État n’est pas des moindres.

Dans un pareil climat, l’Iran se trouve contraint de recourir aux services de renseignement. Selon certains rapports, ils disposent en Irak de dix-huit bureaux sous des noms divers, y compris des associations caritatives, des centres qui accordent des aides financières aux plus démunis et organisent des pèlerinages vers des lieux saints du chiisme. On parle de 5 700 logements loués pour faciliter le travail des agents de renseignement iraniens et de cent millions de dollars débloqués pour leur action en Irak. L’Iran s’est chargé d’approvisionner l’Irak en matériel et en armes, notamment à partir de 2014, après l’occupation de Mossoul et de nombreux gouvernorats irakiens par l’organisation de l’État islamique (OEI).

Néanmoins, le président de l’organisation pro-iranienne Badr3, Hadi Al-Amiri, a déclaré que le gouvernement irakien s’acquittait intégralement du prix des armes livrées par l’Iran. À ce propos, il convient de relever la déclaration du patron des services des renseignements irakiens, Mohammed Al-Chahwani qui s’oppose à l’ouverture d’un bureau de renseignement dans le sud de l’Irak au motif qu’un tel bureau serait préjudiciable à la sûreté nationale.

Quant aux milices pro-iraniennes, comme l’imposante organisation Badr, ou d’autres plus petites telles qu’Asaïb Ahl Al-Haq (Ligue des vertueux) et le Hezbollah irakien, elles prétendent incarner la « résistance irakienne », arguant du fait que l’Iran seul s’oppose à l’occupation américaine et porte assistance à ceux qui poursuivent cet objectif. Pourtant, ces mêmes milices ne peuvent exprimer publiquement une telle opinion : l’Iran ne veut pas fournir de preuve d’un quelconque appui apporté aux organisations armées opposées aux États-Unis. En effet, cette question fait l’objet d’un calcul très subtil dans le contexte des relations sensibles entre Iran d’une part et Washington et plus largement l’Occident, d’autre part.

COMMERCE FLORISSANT SOUS EMBARGO

Au chapitre des relations commerciales, les Iraniens sont moins précautionneux. C’est ainsi que l’attaché commercial iranien a déclaré, dans une conférence de presse tenue le 22 juin 2015 à Bagdad, que les échanges commerciaux entre les deux pays se chiffrent à dix-huit milliards de dollars, dont six de produits non pétroliers ; de plus, selon lui, 80 % des services techniques et d’ingénierie en Irak sont assurés par les compagnies iraniennes. Enfin, il a dit s’attendre à ce que les échanges commerciaux s’élèvent à vingt milliards de dollars.

Les échanges commerciaux entre l’Iran et l’Irak sont passés de 1,6 milliard en 2006 à 8 millions en 2010, et le déséquilibre de la balance commerciale n’a cessé de se creuser en faveur de l’Iran. L’Irak exporte vers l’Iran dattes, cuir et soufre et importe d’Iran voitures, carburant, matériel médical et matériaux de construction. Un déséquilibre qui rend compte de l’effondrement de l’économie irakienne, totalement paralysée depuis l’écroulement de l’État au lendemain de l’invasion américaine. L’essentiel des infrastructures industrielles et productives est détruit, et la productivité dans le pays est faible.

Sur ce chapitre, certains responsables irakiens sympathisants de l’Iran font montre d’empathie envers la République islamique qui subit les sanctions occidentales, au point de comparer la situation de l’Iran à celle de l’Irak sous embargo entre 1991 et 2003.

Ainsi, pour comprendre l’influence iranienne en Irak, il est indispensable de prendre en compte la condition exceptionnelle du pays, marquée par le délitement. La destruction des infrastructures permet à l’Iran d’exercer en Irak une influence soumise à conditions. Certes, la reconstruction nationale est une préoccupation évidente pour l’Irak, de même que l’Iran sait que la situation irakienne actuelle n’est pas vouée à l’éternité. En outre, l’Iran a pleinement conscience de l’impossibilité de mettre l’Irak entièrement sous sa coupe : c’est un pays de quarante millions d’habitants, qui lui a fait la guerre la plus longue (1980-1988) entre deux États depuis la seconde guerre mondiale — une guerre soldée en partie à l’avantage de l’Irak, alors que la population irakienne faisait le tiers de la population iranienne.

FAIRE DURER LE CHAOS IRAKIEN

Pour toutes ces raisons, la stratégie iranienne vise à faire durer les conditions actuelles en Irak. Cette stratégie a été particulièrement tangible l’été 2015, au moment des grandes manifestations et des rassemblements qui réclamaient des réformes politiques. Téhéran a déployé ses forces pour empêcher tout changement dans la forme actuelle du pouvoir, basé sur la répartition confessionnelle selon des quotas. En effet, les positions américaine et iranienne se sont rejointes pour protéger le premier ministre actuel Haïdar Al-Abadi, si bien que l’Iran a pu faire pression sur les députés et les responsables des groupes parlementaires. Cette même convergence d’intérêts a probablement incité les Américains à avaliser la libération de la ville de Fallouja de l’emprise de l’OEI, alors qu’ils y étaient jusque-là défavorables. La libération de Fallouja a fourni à Abadi une victoire et lui a permis de consolider sa position afin de venir à bout du mouvement de revendications populaires. Les nouvelles manifestations ont confirmé le rapprochement des positions iranienne et américaine sur le mode de gouvernance de l’Irak, et conforté le système de quotas confessionnels. Le maintien d’un Irak paralysé et déchiré répond aux objectifs des deux puissances.

Les relations irako-iraniennes sont riches et diverses. Retenons une dimension essentielle : les visites des lieux saints de Nadjaf et de Kerbala. Au cours des festivités religieuses, les Iraniens passent les frontières sans visa par millions, privant l’État irakien d’une source importante de revenus.

La question principale est de savoir si un nationalisme irakien est en passe d’émerger. Si oui, quel chemin ce nationalisme prend-il ? Le clergé chiite de Nadjaf, ou encore des forces laïques transconfessionnelles prendront-elle part à cette entreprise qui risque d’être longue, semée d’embûches, et à contre-courant des intérêts iraniens et américains ? Une telle probabilité implique que l’Irak à venir soit pluraliste et unifié : c’est une conviction de plus en plus partagée, et qui va en se renforçant.

Pourtant une telle probabilité induit aussi l’émergence d’un modèle tiers, différent des deux modèles politiques de la région : le premier, laïc et marqué par des expériences importées, et le second, portant le sceau du religieux. Ce modèle tiers serait à la fois un coup porté dans le flanc du wahhabisme et du khomeinisme. Les acteurs nécessaires à la création du contexte sont connus : le clergé de Nadjaf, le courant sadriste, les forces civiles dans le pays se rapprochent de plus en plus. Ces forces sont en passe de former un seul front d’action, uni contre la corruption et particulièrement hostile au système confessionnel des quotas.

ABDULAMIR AL-REKABY

1Originaire d’Azerbaïdjan, fondé par un soufi, Safi Al-Dine Al-Ardabili, contrairement aux affirmations de certains salafistes.

2Le velayat-e faqih ou « gouvernement du docte » est défendu par une partie seulement de la hiérachie chiite. Selon la doctrine du chiisme duodécimain, après la mort du prophète Mohammed et des douze imams qui lui ont succédé, le dernier d’entre eux s’est « retiré » tout en restant en vie. En attendant la fin des temps et le retour de l’« imam caché », durant la période de la « Grande Occultation », qui doit guider la communauté des croyants ? Selon l’ayatollah Khomeiny et les partisans du velayat-e faqih, ce rôle revient au faqih, au docte, vicaire de l’« imam caché » et délégataire de la souveraineté divine.

3Milice fondée initialement en Iran durant la guerre Iran-Irak.

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1 septembre 2016 4 01 /09 /septembre /2016 02:38

Quand des Israéliens chantent dans la langue de l’ennemi

ORIENT XXI > LU, VU, ENTENDU > MUSIQUE > SABYL GHOUSSOUB

> 31 AOÛT 2016

Des groupes israéliens produisent des chansons dont les paroles sont en arabe. Leur point commun ? Des origines dans des pays où l’arabe est la langue principale, et souvent celle de leurs grands-parents : Yémen, Irak ou Maghreb. Balade dans ce monde à l’envers.

Le samedi 18 juin, à Beyrouth, dans un bar de gauchistes du quartier de Hamra, résonnait « Jat Mahibati », du groupe Yemen Blues. Une heure après, le miracle beyrouthin avait eu lieu, je me retrouvais dans le quartier des branchés de droite à Mar Mikhael et « Habibi min Zaman » de Balkan Beat Box était jouée sur la platine. À mon plus grand étonnement, d’un quartier à l’autre, tout le monde connaissait les deux chansons par cœur, mais ce qu’ils ne savaient pas, c’est que les deux groupes sont israéliens.

Une nuit sombre à Paris. Je rentre en voiture d’une énième soirée électro-épuisante lorsqu’un chant en arabe, chanté par trois divines voix, retentit sur Radio Nova. Je shazame1. C’est « Habib Galbi » chanté par A-Wa. Arrivé chez moi, curieux d’en savoir plus, je les google : ce sont trois sœurs israéliennes d’origine yéménite qui reprennent les chants traditionnels de leur grand-mère et les mêlent à des sonorités électros. Un savant mélange appelé « folk’n’beat yéménite ».

Des Israéliens qui chantent en arabe ? C’est le monde à l’envers, et pourtant ce n’est pas si nouveau. Ofra Haza, chanteuse d’origine juive yéménite elle aussi, a été la pionnière. Représentante de son pays lors du concours Eurovision en 1983, elle a connu par la suite un succès fulgurant en Israël et à l’étranger. En 1984, avec son album Yemenite Song, elle réussit le pari fou de chanter dans sa langue d’origine dans un pays ou l’arabe était et est toujours considéré comme la langue de l’ennemi, voire comme une non-langue. En Israël, l’arabe, on l’apprend généralement pour savoir hurler sur les Palestiniens aux checkpoints et non pour lire Mahmoud Darwich ou comprendre les paroles de Fairouz.

Ofra Haza, « Galbi » — YouTube

« YÉMEN BLUES »

Cinq ans plus tard, c’est Balkan Beat Box, un groupe formé de Tamir Muskat, Tomer Yosef et Ori Kaplan qui s’y colle. Leur musique est un savant mélange de musiques balkaniques, d’électro et de chants traditionnels orientaux. Depuis 2005, ils font danser les jeunesses parisienne, londonienne, new-yorkaise, mais aussi telavivienne, beyrouthine ou même téhéranaise avec leurs quatre albums Balkan Beat Box, Nu Med, Blue Eyed Black Boy et Give. Je passais mon temps à écouter leur musique et n’avais jamais imaginé qu’ils pouvaient être israéliens. C’est le jour où j’ai découvert A-Wa et le nom de leur producteur, Tomer Yosef, que je l’ai compris. Israélien, il est le lead singer de Balkan Beat Box. Né en 1975 à Kfar Saba, il se décrit dans la chanson « Look Them Act » comme « un Méditerranéen, un Yéménite arabo-israélien ».

Balkan Beat Box, « Habibi Min Zaman » — YouTube

Chez les juifs yéménites, la musique se transmet de père en fils et de mère en fille. Le chant est une histoire sérieuse. On l’apprend dès le plus jeune âge et jusqu’à la dernière respiration. Ravid Kahalani a grandi dans cette atmosphère et sa jeunesse a été bercée par les chants traditionnels et religieux de cette communauté. Né en 1978 en Israël, il a fondé le groupe Yemen Blues. Adolescent, il rejetait la musique orientale et s’était exilé dans le blues, la soul et l’afrojazz. Pourtant, quelques années plus tard, lorsqu’il a commencé à composer et écrire, chanter en arabe lui est apparu « comme une évidence, un devoir ». Alors, il a appelé son père pour l’aider à écrire car à la maison ils le chantaient, mais ne l’avaient jamais parlé. « Les juifs yéménites sont des juifs arabes et les musulmans yéménites sont des Arabes musulmans. Les Yéménites musulmans ne sont pas plus yéménites que les juifs yéménites, ce sont tous des Arabes issus d’un pays arabe ». Pour lui, la musique « peut tout changer »,elle peut « rassembler quelles que soient la religion ou la nationalité »2. Deux albums sont déjà téléchargeables, le premier Yemen Blues by Ravid Kahalani sorti en 2011 et le second Insaniya en 2016. Même le rappeur français Oxmo Puccino s’est invité dans la chanson Satisfaction.

Yemen Blues , « Um Min Al Yaman » — YouTube

« Quand les gens me voient, ils pensent que je suis Éthiopienne ». Pourtant, Shiran Karni est bel et bien Yéménite. Chanteuse du groupe Bint El Funk (la fille du funk), son prénom signifie « le chant de la joie ». « Les parents yéménites ne donnent jamais de prénom au hasard à leurs enfants, j’étais donc destinée à être chanteuse » dit-elle à une interview auJerusalem Post3. Pourtant, ses parents ne la soutiennent pas dans son choix de carrière. « Vous savez comment sont les parents juifs — ils veulent juste voir leurs enfants avoir un métier normal, gagner de l’argent, se marier et faire des enfants. »4 Parents juifs, parents arabes, même combat ? « Ma mère est venue une fois à mon show et s’est amusée. Mon père, par contre, ne comprend toujours pas mon métier. » Bint El-Funk est un groupe basé à Jérusalem et a sorti son premier album en 2016. Shiran aime définir le style de leurs morceaux chantés en arabe, hébreu et anglais comme « funk yéménite ».

Bint El Funk, « Umak » — YouTube

DE L’IRAK AU MAGHREB

Mais il n’y a pas que les Yéménites qui chantent en arabe en Israël. Rock star dans son pays, Dudu Tassa n’est pas moins que le petit-fils de Daoud Al-Kuwaiti, membre fondateur du groupe irakien des années 1930 Al-Kuwaiti Brothers, formé par lui et son frère Saleh. Rattrapé par ses origines, Dudu Tassa décide, après six albums rock chantés en hébreu, de reprendre les anciennes chansons de son grand-père et réalise deux albums de reprises, tout en y expérimentant des samples mêlant des sons actuels et de vieux morceaux. Pari osé, il ose même reprendre en collaboration avec le DJ producteur Borgore la célèbre « Wayak » de Farid El Atrache. Dans le documentaire Iraq n’ roll réalisé par Gili Gaon, on entre dans l’intimité de Dudu Tassa et de son expérience musicale et identitaire poignante.

Borgore et Dudu Tassa, « Wayak » — YouTube

Riff, Riff Cohen. Dans un article des Inrocks daté du 17 juin 2013, Stéphane Deschamps écrit que la chanteuse ne connaît qu’une autre personne prénommée Riff, et c’est un garçon. Née en 1984 en Israël, Riff aime se décrire comme « juive israélienne avec des origines nord-africaines ». Son style ? Le rock oriental trash. Comme une destinée, son prénom, abrévation du mot « refrain » en anglais, est employé pour nommer un court motif musical de deux ou quatre mesures, répété rythmiquement pour accompagner une mélodie. À son compteur, deux albums dont un premier qui a eu un franc succès hors Israël et particulièrement en France. Ses deux singles, « J’aime » et « À Paris », chantés en français ont « accompagné le retour d’un printemps qui n’est jamais venu » pour reprendre les mots du journaliste. De l’anglais à l’arabe en passant par l’hébreu et le français, Riff Cohen nous balade dans son quartier, où « on laisse les armes à l’entrée. Les radins, les mondains, les malins, les pressés, les blasés, non, n’ont pas l’accès ». Cynique ? Pas du tout, répond-elle. Ses paroles sont sincères, même si elle affirme que son quartier « reste à inventer ».

Riff Cohen, « J’aime » — YouTube

Ces groupes sont souvent mis en avant et primés par le gouvernement et les médias israéliens. Ils s’en servent pour redorer leur image. « Regardez, nous n’avons rien contre les Arabes, la preuve : nous chantons dans leur langue. » C’est indéniable, mais après tout, en tant qu’amateur de musique arabe, je ne peux pas non plus fermer les yeux devant cette évolution artistique. L’occupation des territoires palestiniensreste cependant un cauchemar. Pourtant, imaginons : je suis invité à un festival de musiques d’une radio parisienne et j’y vais les yeux fermés. À mon plus grand étonnement, l’un de ces groupes israéliens se met à jouer sur scène et par erreur — décidément ! —, j’esquisse un pas de danse… Aurais-je alors vendu mon âme au diable ?

SABYL GHOUSSOUB

1NDLR. Shazam est une application qui permet de trouver des informations sur une musique diffusée en streaming en capturant un échantillon grâce au micro d’un téléphone.

2Interview filmée par Mondomix, mise en ligne sur YouTube le 23 mai 2013.

3Interview de Shiran Karni par Barry Davis, « Funk the Yemenite Way », The Jerusalem Post, 30 mars 2014.

4Ibid.

Ravid Kalahani, du groupe Yemen Blues.

William Avery Hudson, GlobalFest 2012.

SABYL GHOUSSOUB

Franco-Libanais né à Paris, artiste interdisciplinaire. En 2011, il est directeur duFestival du film libanais à Beyrouth. Depuis 2015, il se consacre entièrement à des projets artistiques.

Site : Sabyl Ghoussoub

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Iraq N' Roll

Interview with Yemen Blues

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30 août 2016 2 30 /08 /août /2016 02:42

L’avocate d’une ONG palestinienne à La Haye menacée de mort

LE MONDE | 22.08.2016 à 14h29 • Mis à jour le 22.08.2016 à 14h31 |

Par Stéphanie Maupas (La Haye, correspondance)

image: http://s1.lemde.fr/image/2016/08/22/534x0/4986244_7_882d_2016-08-22-167c1a5-25402-160luwk_a928979d8b30e115dcb621e58e639065.jpg

Victime depuis six mois de menaces de mort répétées, l’avocate jordano-suédoise Nada Kiswanson a décidé d’interpeller les autorités néerlandaises.

Etablie à La Haye, aux Pays-Bas, elle espère « susciter une réponse du gouvernement », alors qu’une enquête de police, ouverte en février, s’avère toujours infructueuse.

Représentante en Europe de l’organisation palestinienne de défense des droits de l’homme Al-Haq, elle a plaidé à Bruxelles en faveur de la campagne mondiale de boycottage de produits israéliens engagée en 2005.

Mais ce qui, selon elle, dérange ceux qui tentent de l’intimider, c’est son travail auprès de la Cour pénale internationale (CPI).

En janvier 2015, l’Autorité palestinienne décidait d’adhérer à cette Cour, établie en 2002 par traité. Quelques semaines plus tard, sa procureure générale, Fatou Bensouda, annonçait l’ouverture d’un examen préliminaire – étape préalable à une éventuelle enquête – sur des crimes commis depuis le début de l’opération « Bordure protectrice » lancée par l’armée israélienne dans la bande de Gaza en juin 2014. L’initiative suscitait une réaction immédiate d’Israël, qui déniait à la juridiction – dont il n’a pas ratifié le traité – toute compétence pour enquêter.

La procédure n’en est qu’à ses débuts et, du côté...

http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2016/08/22/l-avocate-d-une-ong-palestiniennea-la-haye-menacee-de-mort_4986246_3218.html#AKXGXxwRfFuMY3jK.99

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30 août 2016 2 30 /08 /août /2016 02:40

REPORTAGE

Cisjordanie : des colons français au nom de Dieu

Par Nissim Behar — 23 août 2016 à 19:11

Encouragés par Israël et poussés par leur intransigeance religieuse, de plus en plus de juifs venus de France décident de s’installer dans les Territoires palestiniens.

  • Cisjordanie : des colons français au nom de Dieu
Musique, flonflons et discours de circonstance. Depuis le début de l’été, les autorités israéliennes célèbrent avec enthousiasme l’arrivée d’avions remplis de juifs français effectuant leur alyah («montée» vers la Terre promise). La ministre de l’Alyah et de l’Intégration, Sofa Landver, se déplace sur le tarmac de l’aéroport pour les accueillir, et les médias locaux en suivent quelques-uns jusqu’à la porte de leur nouvel appartement d’Ashkelon, de Netanya, d’Ashdod ou de Tel-Aviv. En revanche, personne ne s’intéresse aux olim (nouveaux immigrants) qui choisissent la Cisjordanie occupée par Israël depuis 1967 et qui participent à sa colonisation. Pourtant, il y en a de plus en plus, même s’ils restent minoritaires par rapport aux 60 000 juifs de l’Hexagone qui ont pris racine en Israël depuis 1989.
Ces dernières années, c’est surtout en «Samarie», selon la terminologie israélienne, la partie nord de la Cisjordanie, que ces colons «made in France» s’installent. On les retrouve dans les petites colonies dites «idéologiques» qui s’inscrivent dans le courant nationaliste-religieux représenté à la Knesset par le parti d’extrême droite Foyer juif. «Vous ne pouvez pas comprendre ce qui se passe ici en ce moment si vous n’êtes pas croyant. Encore moins si vous n’êtes pas juif», assène P., un Parisien arrivé en 2014 avec femme et enfants. «Pour nous, le retour sur cette terre que Dieu nous a donnée est une étape vers la gueoula [«rédemption», ndlr]. Rien n’est plus beau que de perpétuer l’histoire de son peuple par des actes, pas par des paroles.» Combien sont-ils ? Quelques centaines de familles. Les dernières viennent d’ailleurs de s’installer à Broukhin, une colonie créée en 1998 à quelques kilomètres de Naplouse. Avant eux, d’autres se sont posés à Yakir en 2014, puis à Peduel où le président de l’Etat hébreu, Reuven Rivlin, leur a rendu hommage en septembre. Dans la même zone, la colonie d’Eli est aussi fort prisée puisqu’elle compte plus de 300 Français.
Subsides.
Ce n’est pas un hasard si ces olim des colonies s’intègrent beaucoup plus facilement que ceux qui choisissent l’intérieur de l’Etat hébreu. D’abord, ils ont la foi chevillée au corps. Ensuite, ils sont pris en charge par une filière d’émigration spécifique baptisée Alyah de groupe (ADG). Contrairement à l’Agence juive, la structure semi-publique qui aide n’importe quel juif qui le souhaite à faire son alyah, ADG ne s’occupe pas des isolés, mais seulement des familles religieuses. Et elle focalise le plus gros de ses efforts sur la Cisjordanie avec le soutien du président du conseil régional de Samarie, Yossi Dagan, qui ne lésine pas sur les subsides. Plus qu’un simple notable, Dagan est une figure connue de la colonisation. Un militant qui se rend une à deux fois par an en France pour y faire connaissance avec les groupes fédérés par ADG et faire l’article en vantant les mérites de la «Samarie». Contacté par téléphone, Dagan n’a pas donné suite à nos appels. Pas plus que d’autres personnes impliquées dans la filière de l’alyah française vers les Territoires occupés.
Les petites colonies, que les autorités israéliennes appellent pudiquement yishouvim («localités»), se ressemblent toutes. Elles sont établies au sommet d’une colline, encerclées d’une barrière de protection et leur entrée est contrôlée par un poste de garde. A l’intérieur, des villas coquettes bénéficiant d’une vue à couper le souffle sur les paysages rocailleux et des rues aussi bien entretenues que dans les banlieues de lamiddle class américaine.

A leur arrivée, les olim français se voient d’abord attribuer une caravilla,une sorte de caravane de luxe censée fournir une solution provisoire en attendant que le ministère israélien de la Défense délivre de nouveaux permis de construire. Ensuite, ils sont pris en charge par des tuteurs qui les aident à franchir les obstacles bureaucratiques et à surmonter les difficultés sociales, économiques et psychologiques inhérentes à l’alyah. Une prise en charge beaucoup plus efficace que celle mise en place par l’Agence juive et le ministère de l’Intégration à l’intérieur de l’Etat hébreu.

«C’est un peu dur au début, mais l’on se sent rapidement chez soi,lâche N., une jeune mère croisée à Peduel. Ici, tout le monde s’entraide, et ce n’est pas à Paris que l’on trouverait ça. Chaque jour qui passe, la disponibilité de mes frères et de mes sœurs juifs à l’égard des olim me renforce dans l’idée que j’ai bien fait de quitter la France. D’ailleurs, depuis les attentats de Toulouse [perpétrés par Mohammed Merah en 2012] et de l’Hyper Cacher, nous savons tous que les juifs n’y feront pas long feu puisque leur place est ici, là où s’est écrite une partie de la Bible.» Pourtant, le sang coule aussi en «Samarie» où l’«Intifada des couteaux» se poursuit comme dans les autres parties des Territoires occupés. Mais les olim français n’en ont cure. «C’est le prix à payer pour vivre sur sa terre», lâche Simon, un Français étudiant dans une yeshiva(école talmudique) que nous avons pris en stop afin de discuter tranquillement. «Vous voyez les villages palestiniens des alentours ?interroge-t-il. La plupart de leurs habitants travaillent pour nous. On les fait vivre, mais ils n’ont pas la reconnaissance du ventre. A la première occasion, ils veulent nous égorger.»

«Industries».

Pour un laïc, l’ambiance peut sembler léthargique dans les petites colonies de «Samarie» où l’on ne trouve rien à part des synagogues, des écoles et des espaces de jeu pour enfants. Heureusement, la colonie d’Eli dispose d’un tout petit centre commercial où il est facile de croiser des olim français. A la caisse du supermarché, Sarah (nom d’emprunt) se déclare «enchantée de s’être installée en Judée-Samarie parce que la qualité de vie y est meilleure qu’en France» et que ses enfants«connaîtront une vie juive pleine et entière». Venue à la religion après des problèmes familiaux «compliqués», elle se déclare favorable à la poursuite de l’occupation. «Si la paix arrive un jour avec l’aide de Dieu, les Palestiniens pourront rester, dit-elle. Mais seulement ceux qui se tiennent tranquilles et savent où est leur place.»

La jeune femme est gouailleuse et sympathique, mais elle dit ne pas comprendre la distinction entre l’Etat hébreu proprement dit et les Territoires occupés. «Mais monsieur, nous sommes ici au cœur d’Israël,répète-t-elle. Tel-Aviv est à 40 km, Jérusalem à 60. Nous traçons des routes et les industries se développent. A Ariel [l’une des plus grosses colonies de Cisjordanie située à une dizaine de kilomètres], vous trouverez même une université. Qu’est-ce que vous voulez de plus ? Oui, cette terre est bien la nôtre et tous les juifs y ont leur place que cela vous plaise ou non.»

http://www.liberation.fr/planete/2016/08/23/cisjordanie-des-colons-francais-au-nom-de-dieu_1474254?utm_source=Viber&utm_medium=Chat&utm_campaign=Priva

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29 août 2016 1 29 /08 /août /2016 02:42

Brussels Airlines retire de son offre un produit en provenance d'une colonie israélienne

Belga News

Publié le mardi 23 août 2016 à 19h15

Brussels Airlines a retiré de son offre, le mois dernier, une douceur fabriquée dans une entreprise israélienne opérant depuis la Cisjordanie occupée, a fait savoir mardi l'ASBL Palestina Solidariteit, qui œuvre pour les droits de la population palestinienne. L'information a été confirmée à Belga par la compagnie aérienne.

Brussels Airlines a été alertée par le passager d'un vol reliant Tel Aviv à Bruxelles qui savait que le produit proposé, Vanilla Halva, provenait d'une colonie israélienne dans un territoire palestinien occupé. "Il s'agissait d'une faute du fournisseur. Nous l'avons depuis rectifiée", a déclaré une porte-parole de Brussels Airlines.

Selon Palestina Solidariteit, Brussels Airlines n'était pas consciente de la nature du produit "et des institutions illégales et violentes derrière lui".

Le SPF Affaires étrangères a pourtant averti du risque lié au commerce avec les colonies israéliennes, souligne l'ASBL. "On peut dès lors se poser la question suivante: les Affaires étrangères se donnent-elles suffisamment de mal afin d'informer les entreprises belges de l'illégalité des colonies?"

http://www.rtbf.be/info/economie/detail_brussels-airlines-retire-de-son-offre-un-produit-en-provenance-d-une-colonie-israelienneid=9386628&utm_source=rtbfinfo&utm_campaign=social_share&utm_medium=fb_share

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29 août 2016 1 29 /08 /août /2016 02:40

Une visite en Israël avec quatre cent cinquante chrétiens sionistes

Mes vacances en Terre sainte

L’alliance entre les fondamentalistes chrétiens américains et l’État d’Israël repose sur une idéologie conservatrice et antimusulmane… qui se heurte parfois à la réalité. Comme lors d’un voyage organisé de croyants américains.

par Tom Bissell

aperçu

Au printemps 2016, les journalistes de droite ont fait grand cas d’un sondage Bloomberg qui demandait aux Américains s’ils éprouvaient plus de sympathie pour M. Benyamin Netanyahou ou pour M. Barack Obama. Les républicains ont préféré le premier ministre israélien à leur propre président à une large majorité (67 % contre 16 %). Beaucoup ont feint d’être choqués que le pays en soit arrivé là. Certains chroniqueurs radio ultraconservateurs n’ont pas hésité à exprimer leur admiration pour M. Netanyahou : Rush Limbaugh aurait souhaité voir « la même force morale et la même clarté éthique à la tête des États-Unis » ; Mark Levin, un autre chroniqueur, a décrit le premier ministre israélien comme le « leader du monde libre ».
La seule émission de radio conservatrice que j’aime bien écouter est animée par Dennis Prager. Bien évidemment, il se dit persuadé que« les différences qui opposent la gauche et la droite sur la plupart des sujets importants sont insurmontables » et ne porte pas les démocrates dans son cœur. Pourtant, fait rare pour un chroniqueur de droite, il les invite souvent à venir débattre dans son émission. Sa réaction, poliment exaspérée, au duel Obama-Netanyahou comptait parmi les moins tendres : « Ceux qui refusent de s’opposer au mal en veulent à ceux qui osent. »
« Comme si tout n’était pas ténèbres et lumière »
Prager est juif, mais ses auditeurs sont en majorité chrétiens. Au fil des années, j’ai entendu nombre d’entre eux lui dire, souvent avec un fort accent du Sud, qu’il était le premier juif auquel ils parlaient. L’été dernier, il annonça qu’il comptait participer à un voyage de soutien à Israël, appelé « Stand with Israel Tour ». Pour la modique somme de 5 000 dollars, chacun pourrait se joindre au chroniqueur et à ses plus fidèles auditeurs lors d’un périple organisé dans l’un des territoires les plus saints et les plus disputés du monde. L’objectif, selon Prager : rappeler à Israël qu’il pouvait compter aux États-Unis sur des amis dévoués.
La (...)

Taille de l’article complet : 2 491 mots.

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Tom Bissell

Collaborateur de Harper’s Magazine, où est parue une version plus longue de cet article. Dernier ouvrage : Apostle : Travels Among the Tombs of the Twelve, Pantheon Books, New York, 2016

http://www.monde-diplomatique.fr/2016/08/BISSELL/56089

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29 août 2016 1 29 /08 /août /2016 02:39

Israeli firm accused of creating iPhone spyware

Program that can turn iPhones into remote spying devices was allegedly used to target Middle Eastern human rights activist
An Israeli technology company has been accused of creating and supplying an aggressive interception program capable of taking over Apple’s iPhones and turning them into remote spying devices, after it was allegedly used to target a Middle Eastern human rights activist and others.
The discovery, announced on Thursday, prompted Apple to issue an urgent software update to block the exploitation.
The capability was revealed as the company said to be responsible for the product – a startup reportedly set up by former members of the Israeli military’s Unit 8200 electronic surveillance establishment – declined to deny it was behind the spyware.
The security hole might have gone unpatched had it not been for the awareness of an embattled human rights activist in the United Arab Emirates. The spyware, which is lawful, was identified by the University of Toronto’s Citizen Lab, after Ahmed Mansoor, who in the past has been arrested, tortured and prevented from travelling abroad, sent the lab a suspicious link that has been texted to him. He has been the target of previous attempted hacks.
Citizen Lab described the UAE government as being “the likely operator behind the targeting” and traced the creation of the spyware to Israel’s NSO Group, which creates and sells spying software to clients, including foreign governments.
NSO’s chief executive, Shalev Hulio – who reputedly served in the controversial Unit 8200 – referred questions to a spokesman, Zamir Dahbash, who said the company “cannot confirm the specific cases” covered in the reports.
Dahbash said NSO made sales within Israeli export laws to governments, which then operated the software. “The agreements signed with the company’s customers require that the company’s products only be used in a lawful manner. Specifically, the products may only be used for the prevention and investigation of crimes.”
Israeli government agencies and private tech firms have aggressively embraced cyber warfare both for spying and launching attacks, with officials in the past boasting they believe they are 15 years ahead of the rest of the world in military cyber capability.
The close connection, however, between Israel’s military cyber units and its alumni who go on to set up startups or develop technology in the private sector has led to concerns that some companies are bringing about the proliferation of cyber warfare tools.
In a statement on Thursday, Citizen Lab – working with Lookout, a security firm – described the attempted hack as bearing the hallmarks of a previous piece of spyware developed by NSO.
According to Mansoor, he was sent text messages on his iPhone on 10 and 11 August promising “new secrets” about detainees tortured in UAE jails if he clicked on the link provided. Instead, he forwarded them to the Toronto-based researchers.
“We recognised the links as belonging to an exploit infrastructure connected to NSO Group, an Israel-based ‘cyber war’ company that sells Pegasus, a government-exclusive ‘lawful intercept’ spyware product,” Citizen Lab said in a statement.
“Once infected, Mansoor’s phone would have become a digital spy in his pocket, capable of employing his iPhone’s camera and microphone to snoop on activity in the vicinity of the device, recording his WhatsApp and Viber calls, logging messages sent in mobile chat apps, and tracking his movements.”
The market for “lawful intercept” or government hacking tools has come under increased scrutiny with revelations about authoritarian customers and non-criminal victims.
The Citizen Lab researchers condemned what it called the use of sophisticated “lawful spyware” developed privately in democracies but sold to states despite export controls.
NSO marketing material says it also has capabilities for Android and BlackBerry devices. No version of the software has been exposed, indicating it remains effective.
Mansoor is an internationally recognised human rights defender and a recipient of the Martin Ennals award – sometimes referred to as a “Nobel prize for human rights”.

https://www.theguardian.com/world/2016/aug/26/israeli-firm-accused-of-creating-iphone-spyware

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28 août 2016 7 28 /08 /août /2016 02:40

Syrie : l’offensive de l’armée turque marque un tournant dans la guerre

LE MONDE | 25.08.2016 à 12h00 • Mis à jour le 25.08.2016 à 19h39 | Par Marie Jégo (Istanbul, correspondante)

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A l’issue d’une offensive éclair, mercredi 24 août, quelques milliers de rebelles syriens soutenus par des F16 et des chars turcs sont parvenus à prendre aux djihadistes de l’organisation Etat islamique (EI) la ville syrienne de Djarabulus, à l’ouest de l’Euphrate, non loin de la frontière turco-syrienne.

Il s’agissait de « mettre un terme » à l’instabilité sur la frontière turque, de viser non seulement l’EI mais aussi les milices kurdes. « La Turquie ne tolérera aucun fait accompli en Syrie », a expliqué, mercredi, le président Recep Tayyip Erdogan.
Couverts depuis les airs par la coalition anti-EI menée par les Etats-Unis, les rebelles n’ont pas eu de mal à établir leur contrôle sur la ville. En début de soirée, des photos de combattants posant dans le centre-ville déserté de Djarabulus commençaient à circuler sur les réseaux sociaux.
Lire aussi : Face à l’offensive turque, les rebelles syriens sont partagés
Visiblement, la conquête de cette ville stratégique, dernier point de contact du « califat » avec le monde extérieur, a été rapide, la plupart des djihadistes ayant pris la fuite vers Al-Bab, un autre bastion de l’EI au sud-ouest, avant l’arrivée des combattants. L’opération a causé la mort d’un rebelle syrien.
Soutenue par la coalition internationale, l’incursion de l’armée turque marque un nouveau tournant dans la guerre en Syrie. Baptisée « Bouclier de l’Euphrate », elle a pour cible non seulement l’EI, mais aussi les combattants kurdes des unités de protection du peuple (YPG), le brasarmé du Parti de l’union démocratique (PYD), affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste), en guerre contre Ankara depuis 1984. Selon un officiel turc, l’opération vise à « sécuriser la frontière turque », à « aider la coalition anti-EI » ainsi qu’à « créer une zone libérée des terroristes au nord de la Syrie ».
Soutien sans faille de Washington
image: http://s1.lemde.fr/image/2016/08/25/534x0/4987897_6_9dc4_un-char-de-l-armee-turque-penetre-en_77bf4d263d96b08230c7e47dc08d785f.jpg
Les djihadistes de l’EI et les milices kurdes sont mises sur un même plan par les autorités turques. Ankara est bien décidé à empêcher la jonction des trois régions kurdes de Syrie (Afrin à l’ouest, Kobané et Djazira à l’est) que le PYD brûle de voir émerger en une seule région autonome kurde aux portes de la Turquie. Fort du soutien américain (frappes aériennes, armes, conseillers), à la pointe du combat contre l’EI, les Kurdes syriens se sont d’ores et déjà rendus maîtres d’une bande de 400 kilomètres à l’est, le long de la frontière turque, depuis l’Irakjusqu’à Kobané. Pour la Turquie, il est impensable que les 90 kilomètres restant, de Djarabulus à Afrin, puissent tomber aux mains des « cousins » du PKK.
Epine dans le pied de la relation turco-américaine, la question du soutien de Washington aux milices kurdes de Syrie a dominé la visite du vice-président américain Joe Biden, arrivé mercredi à Ankara, quelques heures après le lancement de l’offensive sur Djarabulus. Le soutien de Washington à la Turquie est sans faille. « Nous voulons aider les Turcs à débarrasser la frontière de l’EI », a-t-il déclaré sitôt arrivé, précisant qu’il y avait des conseillers américains au sein de la cellule de planification de l’offensive.
Soucieux de ménager le partenaire turc, allié incontournable au sein de l’OTAN, M. Biden a lancé un avertissement aux milices kurdes, les sommant de se retirer sur la rive orientale de l’Euphrate, faute de quoi « elles ne pourront en aucune circonstance recevoir le soutien américain ».
a renchéri, mercredi matin, Mesut Cavusoglu, le ministre turc des affaires étrangères. Comme Manbij, ville syrienne située à 30 kilomètres au sud de Djarabalus, est située à l’ouest de l’Euphrate, les Kurdes syriens devront s’en retirer.

Incursion « rapide » ou longue opération ?

Lorsque les milices kurdes, associées à des combattants arabes au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS), avaient lancé leur offensive sur Manbij, les Américains avaient promis aux Turcs que les Kurdes se retireraient sur la rive est de l’Euphrate après la conquête. Manbij a finalement été prise à l’EI le 12 août, mais les YPG ne se sont pas retirés. Un « Conseil militaire de Djarabulus » a même été créé au sein des FDS afin de préparer l’offensive sur la ville. Son chef, Abdulsattar Al-Kadiri, a été assassiné dans le nord de la Syrie mardi 23 août.
Depuis, les officiels du PYD ont pointé du doigt les services turcs, lesquels nient être pour quoi que ce soit dans cet assassinat. Ulcéré par l’offensive sur Djarabulus, Salih Muslim, le chef du PYD, a promis sur son compte Twitter que la Turquie serait « défaite comme Daech[acronyme arabe de l’EI] » dans le « bourbier syrien ».
Jusqu’où ira l’armée turque en Syrie ? S’agit-il d’une incursion « rapide », comme l’a affirmé le vice-premier ministre Numan Kurtulmus, ou d’une opération de longue durée ? L’éventualité d’une confrontation directe turco-kurde en Syrie ne risque-t-elle pas de porter un coup fatal à la stratégie américaine contre l’EI ?
Une chose est sûre, les Turcs ne s’arrêteront pas à Djarabulus. Leur objectif est de réaliser « la zone de sécurité » qu’ils réclament en vain à la communauté internationale depuis longtemps. Il est question que la portion de territoire allant de Marea à Djarabulus soit placée sous le contrôle de la rébellion syrienne soutenue par Ankara. Non content d’être une zone tampon entre les Kurdes d’Afrin et ceux de Kobané, l’endroit pourrait abriter les réfugiés syriens que la Turquie, terre de refuge pour 3 millions d’entre eux, n’a plus les moyens d’accueillir.

« Créer une zone de sécurité »

image: http://s2.lemde.fr/image/2016/08/25/534x0/4987935_6_31c1_2016-08-25-50c64c3-27041-1cgzcq8_97c47cf27e41e4c859894b11a199239f.png

« La proposition turque de créer une zone de sécurité devrait être reconsidérée par la communauté internationale », a expliqué, mardi, M. Kurtulmus dans un entretien accordé à la chaîne de télévision NTV. Selon lui, il serait « naturel » que le président syrien, Bachar Al-Assad, trouve sa place à la table des négociations en vue d’une transition en Syrie.
Les priorités turques ont changé. Longtemps réclamé par Ankara, le départ du tyran de Damas est devenu secondaire, l’objectif numéro un étant d’empêcher à tout prix l’émergence d’une région autonome kurde le long de la frontière turque. Ce changement de stratégie a permis aux Turcs de réchauffer leurs relations avec la Russie et l’Iran, principaux soutiens du régime de Damas.
Lire aussi : La Russie toujours plus incontournable dans le conflit syrien
Sans leur aval, la Turquie ne se serait pas risquée à mettre un pied en Syrie. Témoin des tractations régionales qui ont lieu en ce moment, des représentants des pays voisins, notamment le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, et Hossein Jaberi Ansari, vice-ministre des affaires étrangères iranien, se trouvaient à Ankara mardi. Selon la presse turque, des responsables des services turcs de renseignements (MIT) se sont rendus la semaine dernière à Damas pour informer le régime des détails de l’opération sur Djarabulus.

Marie Jégo (Istanbul, correspondante)

Syrie : l’offensive de l’armée turque marque un tournant dans la guerre

LE MONDE | 25.08.2016 à 12h00 • Mis à jour le 25.08.2016 à 19h39 | Par Marie Jégo (Istanbul, correspondante)

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A l’issue d’une offensive éclair, mercredi 24 août, quelques milliers de rebelles syriens soutenus par des F16 et des chars turcs sont parvenus à prendre aux djihadistes de l’organisation Etat islamique (EI) la ville syrienne de Djarabulus, à l’ouest de l’Euphrate, non loin de la frontière turco-syrienne.

Il s’agissait de « mettre un terme » à l’instabilité sur la frontière turque, de viser non seulement l’EI mais aussi les milices kurdes. « La Turquie ne tolérera aucun fait accompli en Syrie », a expliqué, mercredi, le président Recep Tayyip Erdogan.

Couverts depuis les airs par la coalition anti-EI menée par les Etats-Unis, les rebelles n’ont pas eu de mal à établir leur contrôle sur la ville. En début de soirée, des photos de combattants posant dans le centre-ville déserté de Djarabulus commençaient à circuler sur les réseaux sociaux.

Lire aussi : Face à l’offensive turque, les rebelles syriens sont partagés

Visiblement, la conquête de cette ville stratégique, dernier point de contact du « califat » avec le monde extérieur, a été rapide, la plupart des djihadistes ayant pris la fuite vers Al-Bab, un autre bastion de l’EI au sud-ouest, avant l’arrivée des combattants. L’opération a causé la mort d’un rebelle syrien.

Soutenue par la coalition internationale, l’incursion de l’armée turque marque un nouveau tournant dans la guerre en Syrie. Baptisée « Bouclier de l’Euphrate », elle a pour cible non seulement l’EI, mais aussi les combattants kurdes des unités de protection du peuple (YPG), le brasarmé du Parti de l’union démocratique (PYD), affilié au Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK, séparatiste), en guerre contre Ankara depuis 1984. Selon un officiel turc, l’opération vise à « sécuriser la frontière turque », à « aider la coalition anti-EI » ainsi qu’à « créer une zone libérée des terroristes au nord de la Syrie ».

Soutien sans faille de Washington

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Les djihadistes de l’EI et les milices kurdes sont mises sur un même plan par les autorités turques. Ankara est bien décidé à empêcher la jonction des trois régions kurdes de Syrie (Afrin à l’ouest, Kobané et Djazira à l’est) que le PYD brûle de voir émerger en une seule région autonome kurde aux portes de la Turquie. Fort du soutien américain (frappes aériennes, armes, conseillers), à la pointe du combat contre l’EI, les Kurdes syriens se sont d’ores et déjà rendus maîtres d’une bande de 400 kilomètres à l’est, le long de la frontière turque, depuis l’Irakjusqu’à Kobané. Pour la Turquie, il est impensable que les 90 kilomètres restant, de Djarabulus à Afrin, puissent tomber aux mains des « cousins » du PKK.

Epine dans le pied de la relation turco-américaine, la question du soutien de Washington aux milices kurdes de Syrie a dominé la visite du vice-président américain Joe Biden, arrivé mercredi à Ankara, quelques heures après le lancement de l’offensive sur Djarabulus. Le soutien de Washington à la Turquie est sans faille. « Nous voulons aider les Turcs à débarrasser la frontière de l’EI », a-t-il déclaré sitôt arrivé, précisant qu’il y avait des conseillers américains au sein de la cellule de planification de l’offensive.

Soucieux de ménager le partenaire turc, allié incontournable au sein de l’OTAN, M. Biden a lancé un avertissement aux milices kurdes, les sommant de se retirer sur la rive orientale de l’Euphrate, faute de quoi « elles ne pourront en aucune circonstance recevoir le soutien américain ».

a renchéri, mercredi matin, Mesut Cavusoglu, le ministre turc des affaires étrangères. Comme Manbij, ville syrienne située à 30 kilomètres au sud de Djarabalus, est située à l’ouest de l’Euphrate, les Kurdes syriens devront s’en retirer.

Incursion « rapide » ou longue opération ?

Lorsque les milices kurdes, associées à des combattants arabes au sein des Forces démocratiques syriennes (FDS), avaient lancé leur offensive sur Manbij, les Américains avaient promis aux Turcs que les Kurdes se retireraient sur la rive est de l’Euphrate après la conquête. Manbij a finalement été prise à l’EI le 12 août, mais les YPG ne se sont pas retirés. Un « Conseil militaire de Djarabulus » a même été créé au sein des FDS afin de préparer l’offensive sur la ville. Son chef, Abdulsattar Al-Kadiri, a été assassiné dans le nord de la Syrie mardi 23 août.

Depuis, les officiels du PYD ont pointé du doigt les services turcs, lesquels nient être pour quoi que ce soit dans cet assassinat. Ulcéré par l’offensive sur Djarabulus, Salih Muslim, le chef du PYD, a promis sur son compte Twitter que la Turquie serait « défaite comme Daech[acronyme arabe de l’EI] » dans le « bourbier syrien ».

Jusqu’où ira l’armée turque en Syrie ? S’agit-il d’une incursion « rapide », comme l’a affirmé le vice-premier ministre Numan Kurtulmus, ou d’une opération de longue durée ? L’éventualité d’une confrontation directe turco-kurde en Syrie ne risque-t-elle pas de porter un coup fatal à la stratégie américaine contre l’EI ?

Une chose est sûre, les Turcs ne s’arrêteront pas à Djarabulus. Leur objectif est de réaliser « la zone de sécurité » qu’ils réclament en vain à la communauté internationale depuis longtemps. Il est question que la portion de territoire allant de Marea à Djarabulus soit placée sous le contrôle de la rébellion syrienne soutenue par Ankara. Non content d’être une zone tampon entre les Kurdes d’Afrin et ceux de Kobané, l’endroit pourrait abriter les réfugiés syriens que la Turquie, terre de refuge pour 3 millions d’entre eux, n’a plus les moyens d’accueillir.

« Créer une zone de sécurité »

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« La proposition turque de créer une zone de sécurité devrait être reconsidérée par la communauté internationale », a expliqué, mardi, M. Kurtulmus dans un entretien accordé à la chaîne de télévision NTV. Selon lui, il serait « naturel » que le président syrien, Bachar Al-Assad, trouve sa place à la table des négociations en vue d’une transition en Syrie.

Les priorités turques ont changé. Longtemps réclamé par Ankara, le départ du tyran de Damas est devenu secondaire, l’objectif numéro un étant d’empêcher à tout prix l’émergence d’une région autonome kurde le long de la frontière turque. Ce changement de stratégie a permis aux Turcs de réchauffer leurs relations avec la Russie et l’Iran, principaux soutiens du régime de Damas.

Lire aussi : La Russie toujours plus incontournable dans le conflit syrien

Sans leur aval, la Turquie ne se serait pas risquée à mettre un pied en Syrie. Témoin des tractations régionales qui ont lieu en ce moment, des représentants des pays voisins, notamment le président du Kurdistan irakien, Massoud Barzani, et Hossein Jaberi Ansari, vice-ministre des affaires étrangères iranien, se trouvaient à Ankara mardi. Selon la presse turque, des responsables des services turcs de renseignements (MIT) se sont rendus la semaine dernière à Damas pour informer le régime des détails de l’opération sur Djarabulus.

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28 août 2016 7 28 /08 /août /2016 02:38

La vie politique iranienne vue par une journaliste américaine libérale

OrientXXI.info

Jean-Pierre Séréni

La journaliste américaine Laura Secor a suivi en profondeur de 2005 à 2012 l’actualité iranienne. Son livre, Children of Paradise, propose une analyse des forces politiques qui façonnent l’Iran post-révolutionnaire, en privilégiant les réformistes.

Vu de l’étranger, et sans doute par une majorité d’étrangers, l’Iran était depuis une quinzaine d’années l’ennemi de la communauté internationale, un État voyou en train de se doter en douce de bombes atomiques. La littérature à ce sujet, et dans toutes les langues, est aussi gigantesque qu’est modeste ce qu’on sait sur ce qui s’y passe réellement. Laura Secor, une journaliste américaine passée par The New Yorker, The New York Times ou Foreign Affairs, a suivi en profondeur de 2005 à 2012 l’actualité iranienne. Elle en a tiré un livre majeur et une analyse du jeu des forces politiques qui façonne l’Iran post-révolutionnaire en privilégiant non pas les gouvernants, mais, au contraire ceux qui tentent, depuis l’intérieur du régime, de le changer : les réformistes. Républicains et islamistes, ils ont depuis la fin de la guerre contre l’Irak en 1988 mené un combat inlassable pour faire évoluer le régime et ont à chaque fois perdu la bataille, payant leur défaite d’une avalanche de tortures, d’années de prison quand ce n’est pas par l’exil et la mort. Entre 1996 et 2005, pendant près de dix ans, l’un des leurs, Mohammad Khatami, a été président de la République et a déçu ses partisans par son inaction et son incapacité à les défendre contre les conservateurs qui, derrière le Guide Ali Khamenei, la justice et les services de sécurité, contrôlent le gouvernement élu et bloquent ses audaces les plus timides au nom du velayat-e faqih, un pouvoir parallèle clérical qui est le vrai décideur iranien.

En 2009, de nouveau, les résultats de l’élection présidentielles sont outrageusement « rectifiés » pour donner la victoire au candidat sortant proche du Guide. La répression qui s’ensuit est terrible et écrase les réformistes dont les leaders sont emprisonnés ou tués. On les croit disparus en tant que courant politique quand, en 2013, ils réapparaissent sous une autre forme, « relookés » derrière un centriste, ancien des services, Hassan Rouhani, élu président contre le Guide. Il réussira à sortir l’Iran de son aventure atomique deux ans plus tard. C’est l’une des caractéristiques du régime post-impérial : les réformistes se recrutent parmi les conservateurs. Ils ont les mêmes buts : sauver la République islamique, mais des stratégies opposées pour y parvenir. Les uns veulent ouvrir le régime pour le sauver, les autres écraser l’opposition par la force.

L’auteure raconte cette histoire subtile, compliquée et sanglante en mettant en scène un grand nombre d’acteurs, en soulignant l’importance de la bataille des idées et l’ancienneté des prises de position. L’anti-américanisme trouve ses racines dans un classique de la littérature iranienne, Gharbzadegui (traduit en anglais par le terme « westoxication » et en français par « occidentalite »1 de Djalal Al-e Ahmad qui dénonce dès 1962 l’adoration-illusion de l’Occident. Autre géant, Ali Shariati, mort à Londres deux ans avant la révolution, qui s’oppose au marxisme et préfère à la démocratie une direction « ferme », religieuse ou non. Les deux camps s’en réclament même s’ils n’en tirent pas les mêmes conséquences.

Un livre à lire, hélas uniquement en anglais, en attendant une traduction, avec toutefois un regret : l’absence totale de l’international, et d’abord des États-Unis, dans le making de la politique iranienne.

JEAN-PIERRE SÉRÉNI

1L’occidentalite. Gharbzadegui, L’Harmattan, 1988.

Les ayatollahs Khamenei (g.) et Khomeiny (dr.).

Carsten ten Brink, Téhéran, 11 octobre 2014.

Laura Secor, Children of Paradise. The struggle for the Soul of IranRiverhead Books, 2016. — 508 pages.

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