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3 juillet 2017 1 03 /07 /juillet /2017 09:06
Arabie saoudite : la longue marche des femmes
 
 
En Arabie saoudite, les femmes sont des citoyennes de seconde classe. Elles ne peuvent ni conduire, ni voyager, sans l'autorisation d'un tuteur : frère, père, cousin ou même fils. Néanmoins, face à la nécessité économique de sortir du tout-pétrole et aux aspirations d'une jeunesse accro aux réseaux sociaux, les autorités lâchent petit à petit du lest. Nos reporters sont partis à la rencontre de ces femmes en quête d'émancipation.

En décembre 2015, le royaume wahhabite organise, à grand renfort de publicité, des élections municipales historiques. Pour la première fois, les femmes y ont le droit de voter et d’être élues. S’il s’agit d’une avancée certaine, elle est restée symbolique, car seules 21 femmes ont été élues sur un total de plus de 2 000 sièges. Par ailleurs, nombre d’entre elles, une fois en poste, se sont aperçues qu’elles n’avaient pas forcément toute latitude pour exercer le pouvoir au sein de leur mairie.

 

En réalité, au-delà d’une volonté politique, ce sont surtout des facteurs économiques qui motivent le changement. Pour faire face à la baisse des prix du pétrole, l’Arabie saoudite n'a d'autres choix que diversifier son économie, jusqu’à maintenant totalement dépendante de l’or noir. Portées par cet appel d’air, les Saoudiennes sont en train de voir s’ouvrir des domaines qui leur étaient jusque là interdits. Elles sont désormais avocates, pharmaciennes ou même nommées à la tête de la bourse ou d’un grande banque.

Des changements cosmétiques

Autre facteur favorable à cette révolution féminine : la réalité démographique du pays, incontournable. À ce jour, 70 % des Saoudiens ont moins de 30 ans et besoin de respirer dans une société corsetée par la tradition et la religion. Pour faire face à ces nouvelles aspirations, les autorités ont décidé d’assouplir certaines règles, en faisant notamment la promotion du sport pour les femmes et du divertissement. Ordre a également été donné à la tristement célèbre police religieuse de relâcher quelque peu son étreinte sur la société. Les jeunes prennent ainsi quelques libertés avec les tenues et les coutumes traditionnelles.

Aux yeux de la poignée d’activistes qui continue à se battre pour une véritable émancipation, ces changements sont avant tout cosmétiques. Pour elles, le pays a besoin de mesures drastiques, notamment la fin du régime de la tutelle et de l’interdiction de conduire. Malgré leurs aspects ultrasensibles, même certains proches du pouvoir admettent que ces changements sont nécessaires. Reste que la route vers l’égalité est encore longue et semée d’embûches pour les femmes du royaume.

Par Marc PERELMAN , Georges YAZBECK

 

 

http://www.france24.com/fr/20170630-reporters-arabie-saoudite-droits-femmes-jeunes-religion-islam-interdictions-egalite

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3 juillet 2017 1 03 /07 /juillet /2017 09:04
Près d'un demi-million de Syriens sont rentrés chez eux depuis janvier
 
 

Selon l’ONU, 440 000 déplacés internes sont rentrés chez eux et environ 31 000 réfugiés qui s'étaient enfuis dans les pays voisins sont rentrés en Syrie en 2017

 
 
30 juin 2017
Last update: 
Friday 30 June 2017 14:51 UTC
Dernière mise à jour : 
30 juin 2017
 

Près d'un demi-million de personnes déplacées à l'intérieur de la Syrie sont revenues chez elles depuis janvier, la plupart pour chercher des membres de leur famille ou vérifier l'état de leur propriété, a indiqué vendredi l'ONU.

Le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR) a ainsi constaté une « tendance notable de retours spontanés de réfugiés vers et à l'intérieur de la Syrie en 2017 ».

Plus de 440 000 déplacés internes sont rentrés chez eux, a indiqué un porte-parole du HCR, Andrej Mahecic, lors d'un point de presse.

En outre, environ 31 000 réfugiés qui s'étaient enfuis dans les pays voisins sont rentrés en Syrie durant la même période, a-t-il affirmé. Ce chiffre porte à quelque 260 000 le nombre de réfugiés qui sont volontairement revenus en Syrie depuis 2015. La majorité d'entre eux s'étaient réfugiés en Turquie.

Les réfugiés rentrent pour la plupart à Alep, Homs et Damas et « sont principalement motivés par la volonté de rechercher des membres de leurs familles et de vérifier l'état de leurs propriétés », a expliqué Andrej Mahecic.

« Dans certains cas, leur retour est lié à une amélioration réelle ou perçue des conditions de sécurité dans certaines régions du pays », a-t-il ajouté.

À LIRE : La polio réapparait en Syrie

Au vu de ces retours croissants, le HCR a commencé à intensifier ses capacités opérationnelles en Syrie afin d'accroître son assistance sur place en partenariat avec d'autres partenaires et organisations humanitaires.

L'agence onusienne renforce également son activité de surveillance aux frontières afin d'analyser les mouvements des réfugiés et s'assurer que ces derniers retournent bien volontairement en Syrie.

Le HCR souligne par ailleurs que bien que les récents pourparlers de paix à Astana et Genève ont offert un « espoir croissant », il n'en demeure pas moins que les « conditions » pour que les réfugiés rentrent en Syrie « de façon sûre et digne ne sont pas encore effectives ».

Depuis le printemps 2011, la guerre en Syrie a ravagé le pays, faisant plus de 320 000 morts selon l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH).

Quelque 5 millions de personnes ont trouvé refuge dans la région, selon le HCR.

 
 
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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 06:40
Syrie. Sur le Golan, Israël aide et finance les rebelles
 
 
 
Pierre Barbancey
Mercredi, 28 Juin, 2017
L'Humanité

Le quotidien américain Wall Street Journal révèle que Tel-Aviv, qui aide certains groupes depuis 2013, a mis sur pied une unité pour leur permettre de rémunérer leurs combattants.

Totalement inscrit dans la stratégie régionale américaine qui s’appuie sur un rapprochement entre Israël et les monarchies du Golfe face à l’Iran et ses alliés régionaux, Tel-Aviv s’investit de plus en plus dans le conflit syrien. Plus discrètement que d’autres, Israël aussi « fait le boulot », comme on dit. Et beaucoup plus qu’on ne le pense. On savait déjà que Tel-Aviv, qui occupe une partie du plateau du Golan syrien, utilise cette zone pour accueillir dans ses hôpitaux les rebelles – la plupart de mouvances islamistes – blessés, envoie ses avions bombarder l’armée syrienne et les forces engagées à ses côtés, jusqu’à Palmyre et l’aéroport de Damas. Prétexte invoqué : empêcher le Hezbollah d’installer des postes militaires sur le Golan. Mais en réalité Israël va plus loin encore et tient sa place dans la stratégie régionale décidée avec les États-Unis, l’Arabie saoudite et d’autres pays du Golfe.

« Nous n’aurions jamais survécu sans Israël »

Le Wall Street Journal vient de publier une enquête intitulée « Israël fournit une aide secrète aux rebelles syriens ». Une aide en nourriture, médicaments, carburant mais aussi en argent. « Israël nous apporte une aide héroïque, explique ainsi un représentant du groupe Fursan al-Joulan, qui compte près de 400 combattants. Nous n’aurions jamais survécu sans Israël », estime-t-il. Le groupe recevrait près de 5 000 dollars par mois de Tel-Aviv. « La plupart des gens veulent coopérer avec Israël », souligne un responsable du groupe Liwaa Ousoud al-Rahman, également présent sur le plateau du Golan. Une unité spéciale israélienne aurait été mise sur pied en 2016, afin de coordonner le transfert d’argent et de matériel humanitaire, permettant à ces groupes rebelles de rémunérer leurs soldats, d’acheter des armes et des munitions, ainsi que de se soigner. L’armée israélienne, de son côté, se dit simplement « engagée dans une opération de sécurisation » de ses frontières.

Un rapport des Nations unies, publié au mois de mai, s’alarmait déjà de la présence dans la zone tampon entre la partie occupée du Golan et celle restée syrienne de « différents groupes armés, dont Jabhat Fatah al-Cham (ex-Front al-Nosra affilié à al-Qaida) et l’Armée Khaled ibn el-Walid », qui a prêté allégeance à Daech. Des groupes qui se déplacent le long de la ligne de cessez-le-feu, utilisent ces positions pour pilonner l’armée syrienne qui ne peut riposter, « craignant que tout tir lié au débordement du conflit ne provoque la réaction habituelle des forces de défense israéliennes », insistait l’ONU, faisant également état de contacts près du mont Hermon entre « des inconnus, armés et non armés » et l’armée israélienne aboutissant à « l’acheminement de fournitures dans les deux directions ».

La bataille de Mossoul, en Irak, touche à sa fin et celle de Raqqa, en Syrie, est bien engagée. À terme, l’organisation dite de l’« État islamique » (Daech), l’ennemi commun – en tout cas sur le papier – des forces présentes sur le terrain et antagonistes, sera défaite politiquement. Même s’il est à craindre que ses capacités de nuisance ne perdurent plusieurs années. Se pose donc dès maintenant la question de l’avenir de la Syrie comme entité nationale et, dans une moindre mesure, celui de l’Irak (le gouvernement régional kurde a annoncé la tenue, en septembre, d’un référendum sur son indépendance).

Washington soutient les Kurdes syriens du Rojava

Paradoxalement donc, et même si les affrontements sont encore nombreux en Syrie (l’armée ne contrôle toujours pas l’ensemble de la périphérie de Damas pas plus que la province d’Idleb, bien que son offensive sur la pétrolifère Deir ez-Zor semble gagnante), les zones frontalières font l’objet de toutes les attentions. D’autant que les États-Unis n’ont toujours pas abandonné l’idée de renverser le régime de Bachar Al Assad. Comme en attestent les nouvelles menaces proférées par Donald Trump. En attendant, Washington soutient les Kurdes syriens du Rojava – qui, avec les Forces démocratiques syriennes (FDS, composées des YPG kurdes et de milices arabes), entament le siège de Raqqa – en fournissant de l’armement, au grand dam de « l’otanesque » Turquie, également présente. Des Kurdes de Syrie qui ont d’ores et déjà proclamé l’autonomie administrative de ce qu’ils appellent le Rojava.

Menaces américaines contre Damas

Les États-Unis accusent la Syrie de préparer « une autre attaque chimique », sans toutefois donner plus de précisions. Des accusations démenties par Damas. « Toute nouvelle attaque lancée à l’encontre de la population syrienne sera attribuée à Assad, mais également à la Russie et à l’Iran », a lancé l’ambassadrice américaine à l’ONU. Une annonce qui pourrait signifier une attaque imminente de la part des États-Unis. Ces derniers tablent toujours sur un changement de régime ou une partition de la Syrie sur des bases ethnico-confessionnelles. Moscou a réagi et qualifié d’ « inadmissibles de telles menaces ».

grand reporter
 
 
 
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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 06:38
Cisjordanie, enquêtes d’auteurs
 
 
 
                
Par Alexandra Schwartzbrod (mis à jour à )

A l’occasion des 50 ans de la guerre des Six Jours, une ONG israélienne a invité 26 écrivains de renommée mondiale à partager l’enfer quotidien vécu par les Palestiniens dans les Territoires occupés. Un recueil rassemble ces témoignages sans appel.

 
Difficile de comprendre les conséquences concrètes et quotidiennes de l’occupation israélienne des Territoires palestiniens sans avoir soi-même patienté des heures au check-point, en pleine chaleur et sous la menace d’un fusil ; sans avoir reçu des monceaux d’immondices sur la tête dans un immeuble de Hébron ou de Silwan dont les étages supérieurs ont été squattés par des colons protégés par l’armée ; sans avoir sillonné des vallées de Cisjordanie balafrées de routes flambant neuves interdites aux Palestiniens car réservées aux colons et aux soldats de Tsahal ; sans voir arrachés, par des colons sans limites, des dizaines d’oliviers millénaires permettant de nourrir plusieurs familles palestiniennes. L’occupation, ce n’est pas juste un mot dans un article ou un traité de paix mort-né, ce n’est pas juste un mot que les diplomates essaient vainement de rayer de leur vocabulaire depuis cinquante ans, ce sont des femmes, des hommes, des enfants dont la vie quotidienne est une succession de contraintes, de brimades, d’arrachements, de renoncements, d’humiliations. Un enfer.
 
Travail bénévole

L’ONG israélienne Breaking the Silence, qui regroupe des soldats et vétérans israéliens désireux de montrer, selon leurs mots, «le gouffre entre la réalité qu’ils ont vécue dans les Territoires occupés et le silence qu’ils rencontrent à la maison», a bien compris l’urgence et l’importance de dévoiler cette situation à des intellectuels dénués de tout parti pris dans ce conflit. Pour commémorer les 50 ans de la guerre des Six Jours, qui a marqué le début de l’occupation des Territoires palestiniens, elle a fait venir - avec l’aide financière des différents éditeurs concernés - 26 écrivains (1) de renommée mondiale, dont un Prix Nobel de littérature, en divers endroits de Cisjordanie et de Gaza afin qu’ils témoignent de ce qu’ils ont vu, senti, entendu sur le terrain. Cela donne 26 textes très forts rassemblés en un recueil publié au même moment aux Etats-Unis par Harper Collins et en France par Robert Laffont (2).

L’opération a été dirigée par Ayelet Waldman, fille d’immigrés juifs de Montréal, élevée entre Israël, Etats-Unis et Canada, et Michael Chabon, écrivain juif américain devenu son mari. «Soyons clairs, nous n’avions pas d’attentes politiques de ces auteurs, expliquent-ils en préambule de cet ouvrage. Nous les avons invités à participer à ce projet fondé sur leur excellence littéraire et leur influence sur de larges et fidèles publics dans leur propre pays et, en de nombreux cas, à travers le monde. Nous ne les avons pas censurés ni n’avons cherché à limiter leur parole d’aucune manière. Ce qu’ils ont vu, c’est ce qu’ils ont écrit […]. Une équipe de contrôleurs d’informations scrupuleux a travaillé durant des mois pour confirmer la véracité de chacun de ces essais.» Précisons que tous les écrivains ont travaillé bénévolement. Les royalties, s’il y en a, seront reversées à l’ONG israélienne Breaking the Silence pour rembourser ses frais, ainsi qu’à l’ONG non violente palestinienne Youth Against Settlements («la jeunesse contre la colonisation»).

Sonnette d’alarme

Le résultat est sans appel. Même le Péruvien Mario Vargas Llosa, qui a toujours pris fait et cause pour l’existence et la défense de l’Etat hébreu et qui se dit «opposé au boycott universitaire qui menace Israël», est revenu atterré de Cisjordanie. Il a notamment parcouru le village palestinien de Susiya, près de Hébron, où les habitants sont à ce point harcelés par les colons que paysans et bergers sont contraints de vivre dans «des tentes précaires en toile et en ferraille, ou dans les grottes que les soldats n’ont pas encore rendues inutilisables en les comblant de pierres et d’ordures». Pour le Prix Nobel de littérature, la stratégie d’Israël est claire : ces colonies, qui ne cessent de croître, «étendent la présence israélienne et démantèlent ou fractionnent le territoire que devrait occuper, en principe, le futur Etat palestinien, au point de le rendre impraticable». Un constat qui le pousse aujourd’hui à tirer la sonnette d’alarme. «J’ai vu avec douleur comment, ces dernières années, l’opinion publique locale [israélienne, ndlr] devenait de plus en plus intolérante et réactionnaire, ce qui explique qu’Israël ait maintenant le gouvernement le plus nationaliste et ultrareligieux de son histoire et que sa politique soit chaque jour moins démocratique. La dénoncer et la critiquer, pour cela, n’est pas seulement un devoir moral, c’est dans mon cas aussi un acte d’amour», écrit-il dans Un royaume d’olives et de cendres.

Ayelet Waldman, qui a rédigé - ainsi que Michael Chabon - un texte pour ce recueil, ne dit pas autre chose. «Pendant vingt ans Michael et moi avons évité de penser au conflit. Trop insoluble. Mais quand j’ai été invitée à un salon du livre en Israël et que j’ai pu visiter Hébron avec un soldat de Breaking the Silence, ce que j’ai vu m’a horrifiée, nous a-t-elle confié par mail pour expliquer la genèse de son projet. Je suis aussi allée à Tel-Aviv, une ville que j’adore, et je m’y suis tellement sentie chez moi que cela m’a poussée à agir. On ne peut pas se sentir chez soi quelque part sans se sentir responsable, ne serait-ce qu’en partie, de ce qui s’y passe.»

Wi-fi et drogue

La Française Maylis de Kerangal, dont le texte ouvre le recueil, s’est jointe à l’aventure après avoir longuement réfléchi. «J’ai hésité parce que c’est une situation politique à laquelle je ne connaissais rien, nous a-t-elle expliqué la semaine dernière à Paris. Et j’ai accepté justement pour essayer de comprendre la manière dont l’occupation influe sur la vie quotidienne des Palestiniens.» La romancière a demandé à aller à Hébron, où quelque 800 colons protégés par l’armée israélienne se sont implantés au cœur de la ville arabe qui compte environ 40 000 habitants. Elle a passé trois jours dans une famille palestinienne, attachée à Nour, une jeune fille de 22 ans. «Si on veut avoir une vision de la tristesse, des vies empêchées, il faut aller à Hébron. La vieille ville est vide, volets tirés, avec une tension terrible que l’on sent physiquement. L’occupation a asséché la vie de ces quartiers. Ce qui m’a le plus impressionnée, c’est le problème des déplacements, le temps et l’énergie perdus pour faire ne serait-ce que quelques centaines de mètres à l’intérieur de la ville ou entre les villes et villages palestiniens.» Maylis de Kerangal raconte dans son texte comment les parents de Nour, Icham et Fatima, attendent avec angoisse jusque tard dans la nuit le retour de leurs enfants. Personne là-bas ne dort tranquille tant que la famille n’est pas regroupée. Et comment le wi-fi permet aux jeunes de s’évader.

Le wi-fi mais aussi Mr. Nice Guy, une drogue parfois classée parmi les «cannabinoïdes synthétiques» que les gamins du camp de Shuafat, près de Jérusalem, consomment à haute dose, révèle l’écrivaine américaine Rachel Kushner, envoyée sur place. «Elle endommage le cerveau et ruine des vies. Mr. Nice Guy est populaire chez les enfants dès huit ans et peut provoquer des psychoses. On en trouvait des paquets vides sous nos pieds en traversant le grand parking où les bus ramassent six mille enfants par jour et leur font passer le poste de contrôle pour aller à l’école à Jérusalem-Est, puisque le camp n’a que quelques établissements pour les élèves du niveau élémentaire», écrit-elle.

«Briser les âmes»

La romancière irlandaise Eimear McBride s’est rendue, elle, dans la vallée du Jourdain, près de Jéricho, où elle a pu discuter avec des Palestiniennes. «Il n’y a pas de travail dans ce village et leurs terres sont dévorées sous leurs pieds par l’appétit vorace de la colonisation. Et si la colonie grandit chaque jour, les villageois n’ont pas le droit de construire. Ils doivent rajouter des étages en parpaings à leurs maisons qui tombent en ruine. Les familles s’entassent les unes sur les autres dans des constructions dangereuses. Gelées en hiver, étouffant sous le soleil en été. Pas d’égouts adéquats, d’eau propre ou de soins médicaux.»

Les conditions de vie déplorables et les entraves à la libre circulation des Palestiniens sont soulignées par tous les écrivains. «L’objectif de l’occupation […] était non seulement de s’emparer des territoires mais aussi de briser les âmes», écrit la Canadienne Madeleine Thien. «Ce qui m’a marquée aussi c’est l’intimité de l’occupation. A Hébron, les colons sont à la table derrière vous, derrière la cloison. Vous les entendez vivre et ils vous entendent vivre. Et pourtant rien n’est possible avec eux», explique Maylis de Kerangal. Le Norvégien Lars Saabye Christansen, qui ne manque pas d’humour, a trouvé le mot de la fin (de son texte). «Je devais du reste rencontrer un optimiste de Ramallah, mais il ne s’est pas présenté à notre rendez-vous.»

(1) Lorraine Adams, Geraldine Brooks, Michael Chabon, Lars Saabye Christensen, Anita Desai, Dave Eggers, Assaf Gavron, Arnon Grünberg, Helon Habila, Ala Hlehel, Fida Jiryis, Maylis de Kerangal, Porochista Khakpour, Hari Kunzru, Rachel Kushner, Eimear McBride, Colum McCann, Eva Menasse, Emily Raboteau, Taiye Selasi, Raja Shehadeh, Madeleine Thien, Colm Toibin, Mario Vargas Llosa, Ayelet Waldman, Jacqueline Woodson.

(2) Le même recueil est publié ce mois-ci en Espagne, en Italie, en Israël et dans certains pays arabes ; il est prévu pour octobre en Allemagne et aux Pays-Bas, et pour 2018 au Portugal, en Bulgarie, en Turquie et en Hongrie.

Alexandra Schwartzbrod

Ayelet Waldman et Michael Chabon (sous la direction de) Un royaume d’olives et de cendres : 26 écrivains, 50 ans de Territoires occupés Robert Laffont, 496 pp., 24 €.

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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 06:34
Pourquoi l’UE finance-t-elle les tortionnaires israéliens ?
 
 
 

29 06 2017 • 14 h 03 min

Ali Abunimah-27 juin 2017

 

 

 

Le chef de recherche de l’UE Carlos Moedas rencontre le premier ministre israélien à l’occasion d’une visite au mois de mai pour célébrer le rôle d’Israël dans Horizon 2020, programme de recherche de l’UE qui finance les tortionnaires, (via l’Union Européenne en Israël).

L’Union Européenne finance illégalement les tortionnaires israéliens et doit cesser, a conclu une association d’éminents experts juridiques internationaux.

Ils disent que le programme de LAW-TRAIN viole les règles de l’UE et le droit international parce que l’un des participants, le ministère israélien de la Sécurité publique, « est responsable ou complice de torture et autres crimes contre l’humanité et de crimes de guerre ».

LAW-TRAIN a débuté en mai 2015 prétendument pour « harmoniser et partager les techniques d’interrogatoire entre les pays impliqués afin de faire face aux nouveaux défis en criminalité internationale ».

Son financement passe par un programme de recherche de l’UE appelé Horizon 2020, qui a aussi fait passer des millions de dollars vers l’industrie israélienne de l’armement.

 

Ample utilisation de la torture

LAW-TRAIN comprend l’université israélienne Bar-Ilan, le ministère israélien de la Sécurité publique, l’université catholique de Louvain en Belgique, le ministère belge de la Justice, La Garde Civile, police paramilitaire espagnole, et la police roumaine. Dans son comité consultatif, il y a Cornelia Geldermans, procureure aux Pays Bas.

Le Portugal en faisait originellement partie, mais s’est retiré l’année dernière face à la montée de l’opposition publique au rôle d’Israël dans le programme de l’UE.

Le fonctionnement de LAW-TRAIN est prévu jusqu’en avril 2018 et la moitié de son budget de presque 6 millions $ ira aux participants israéliens.

 

« L’utilisation de la torture par les interrogateurs israéliens a été très largement documentée dans la presse internationale et israélienne et confirmée par les enquêteurs internationaux et les interrogateurs israéliens eux-mêmes », a déclaré Michel Waelbroeck, responsable de l’avis juridique et membre de l’Institut de Droit International. « En juin 2016, le Comité contre la Torture de l’ONU a dénoncé l’utilisation de la torture par Israël et les techniques illégales et abusives utilisées pendant les interrogatoires par sa police et le personnel des prisons. »

Cette opinion est défendue par 25 experts juridiques et juristes internationaux, dont les anciens enquêteurs des droits de l’Homme Richard Falk et John Dugard, et Laurens Jan Brinkhorst, ancien vice premier ministre hollandais et ancien directeur général de la Commission européenne.

Israël a u dossier très fourni sur la torture, y compris contre les enfants, et a systématiquement failli à son devoir d’investigation à la suite des plaintes pour mauvais traitements.

 

Financement illégal

En février, des centaines d’universitaires et d’artistes belges ont exhorté leur gouvernement à mettre fin à son soutien à LAW-TRAIN, et des questions ont été soulevées au Parlement européen sur ce projet.

Des organisations de droits de l’Homme de Palestine, Belgique et Espagne ont également écrit aux responsables de l’UE pour exprimer leur inquiétude à propos du soutien aux entités israéliennes engagées dans la torture.
 

engagées dans la torture.
Comme l’opposition à LAW-TRAIN grandissait, la Commission Européenne, appareil administratif exécutif de l’UE, a conduit une évaluation par un « groupe d’experts indépendants » qui a conclu que le programme était en « conformité bonne à excellente » avec les lois de l’UE, y compris la Charte Européenne des Droits Fondamentaux.

Mais les experts juridiques disent que l’examen a ignoré des règlements clefs de l’UE qui interdisent le financement d’individus ou d’organisations qui s’engagent dans « une grave mauvaise conduite professionnelle » telle que la torture.

Les experts juridiques concluent que, parce que le ministère israélien de la Sécurité publique est « coupable d’infractions graves et continues » contre l’interdiction européenne et internationale de la torture, le financement par l’UE est illégal.

Mais loin d’agir pour tenir Israël pour responsable de torture, Carlos Moedas, directeur de recherche à l’UE, est récemment allé en Israël pour célébrer son implication dans Horizon 2020.

 

 

Manifestation en France

Alors que les plus hauts responsables de l’UE resserrent leur étreinte avec le régime israélien d’occupation, d’apartheid et de colonialisme de peuplement contre les Palestiniens, des citoyens européens continuent à demander la fin de cette complicité.

Des militants de BDS France ont tenu cette manifestation samedi au Salon de l’Aéronautique de Paris devant le pavillon du fabriquant d’armes israélien Elbit Systems.

On peut voir dans la vidéo les manifestants mettant en scène un « die-in » (champ de morts) et tenant une banderole qui dénonce le fait qu’Israël teste ses armes sur les Palestiniens.

Les manifestants ont appelé à un embargo sur les armes, la fin de la coopération militaire avec Israël et le soutien à la campagne de boycott, désinvestissement et sanctions.

Elbit est l’un des plus importants fabricants de drones qu’Israël a utilisés pour tuer des civils palestiniens. Un contrat avait été passé par l’administration Obama pour qu’il lui fournisse la technologie de surveillance le long de la frontière américano-mexicaine.

Elbit a été aussi un important bénéficiaire des financements de l’Union Européenne.

Traduction : J. Ch. pour l’Agence Média Palestine

Source : The Electronic Intifada

 

Lien pour accéder au texte original (anglais) de l'article : https://electronicintifada.net/blogs/ali-abunimah/why-eu-funding-israeli-torturers

 

http://www.agencemediapalestine.fr/blog/2017/06/29/pourquoi-lue-finance-t-elle-les-tortionnaires-israeliens/

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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 06:24
 
Le secret le plus mal gardé de la guerre syrienne qui pourrait devenir le cauchemar d’Israël
 
 
30 juin 2017

 

 

Oui, Israël soutient les rebelles syriens, mais pas seulement sur les plans financier et humanitaire : Israël espère que les rebelles serviront de tampon contre l’EI ou le Hezbollah, une stratégie qui pourrait facilement se retourner contre lui

Plus tôt ce mois-ci, le Wall Street Journal a publié l’interview d’un commandant rebelle syrien et d’une demi-douzaine de combattants, qui ont confirmé le secret le plus mal gardé du conflit syrien : Israël soutient directement les factions rebelles syriennes au moyen d’une aide humanitaire et financière.

L’implication d’Israël « est bien plus profonde et plus coordonnée qu’on le pensait et inclut le financement direct des combattants de l’opposition près de sa frontière depuis des années », indiquait l’article.

« Israël s’est tenu à nos côtés de manière héroïque », a déclaré Moatasem al-Golani, porte-parole du groupe rebelle Fursan al-Joulan, au Wall Street Journal

« Israël s’est tenu à nos côtés de manière héroïque », a déclaré Moatasem al-Golani, porte-parole du groupe rebelle Fursan al-Joulan, au Wall Street Journal. « Nous n’aurions pas survécu sans l’aide d’Israël. »

 

http://www.middleeasteye.net/fr/opinions/le-secret-le-plus-mal-gard-de-la-guerre-syrienne-qui-pourrait-devenir-le-cauchemar-d-isra-l

 

Selon le rapport, Israël donne 5 000 dollars chaque mois à Fursan al-Joulan – ou Chevaliers du Golan –, que le groupe utilise pour payer les salaires des combattants et acheter des armes et des munitions pour ses campagnes contre le gouvernement d’Assad dans le Golan syrien.

Je n’avais jamais entendu parler de Fursan al-Joulan auparavant. Un site en ligne consacré à la documentation du conflit syrien décrit un certain « Fouj al-Joulan » comme une milice du Golan alliée au régime d’Assad qui se consacre à la protection des villages druzes dans la région. Bien que les noms se ressemblent, il est peu probable qu’il s’agisse du même groupe, surtout que le commandant de Fouj al-Joulan, Majid Himoud, est un ennemi implacable d’Israël, que les Israéliens ont essayé d’assassiner par deux fois.

Comptant environ 400 combattants, Fursan al-Joulan semble être une milice locale. Celle-ci est sans doute affiliée à un groupe islamiste plus vaste comme al-Nosra ou al-Qaïda, mais je n’ai pas été en mesure de le déterminer. Le Wall Street Journal indique clairement qu’il n’est pas affilié à l’Armée syrienne libre, ce qui augmente la probabilité que Fursan al-Joulan soit un groupe islamiste. Il est également tout à fait possible qu’il y ait d’autres groupes, peut-être nombreux, qu’Israël aide pareillement.

 

 


Dans une vidéo de septembre 2014 publiée par Ahrar al-Sham, des combattants de l’opposition syrienne capturent une position du gouvernement syrien à Khan Arnabeh, près de la frontière est de Quneitra avec Israël sur le plateau du Golan (AFP/YouTube)

Le 22 juin, le correspondant principal en matière de sécurité militaire de Yediot Achronot, Alex Fishman, a confirmé le rapport du journal et en a exploré la motivation :

« Une partie non négligeable des rebelles syriens dans le Golan ont adopté l’idéologie salafiste extrême de Jabhat al-Nosra, une ramification d’al-Qaïda […] Le point de vue israélien est que les opinions extrémistes religieuses des rebelles syriens sont moins pertinentes [que leurs capacités à combattre les ennemis des Israéliens – l’Iran et le Hezbollah]. Israël est persuadé que ce qui les [les rebelles] intéresse avant tout est la survie ; et qu’il est possible d’acheter leur loyauté grâce à une aide matérielle qui contribue à garantir leur propre sécurité. »

« L’article du Wall Street Journal donne l’impression qu’Israël n’examine pas toujours les idées de ses alliés tant qu’il obtient une profitable sécurité réciproque. Selon le point de vue d’Israël, l’ennemi de mon ennemi est mon ami. Et si Jabhat al-Nosra se bat contre l’EI dans le sud du Golan, et chacun d’eux se bat à son tour contre le Hezbollah et l’armée syrienne dans la région de Deraa, tant mieux. »

Ce mode d’interaction basé sur la réciprocité peut fonctionner pour Israël à court terme, mais l’histoire de la région regorge de semblables alliances temporaires qui se sont rapidement transformées en hostilité pure et simple lorsque les circonstances ont changé. Un ancien allié peut facilement et rapidement devenir le pire des ennemis.

Et en fait, les biens, l’expérience et les compétences transmises pendant l’alliance permettent à l’ancien allié de devenir un ennemi encore plus redoutable (pensez simplement aux Moudjahidines-Talibans en Afghanistan). Un certain nombre d’acteurs en Syrie, de l’EI à al-Nosra, pourraient, à un moment futur, décider qu’Israël est une cible plus facile que leurs anciens ennemis. Cette alliance de commodité à court terme pourrait facilement devenir un golem cauchemardesque qu’Israël aura lui-même créé.

Ce que veut Israël

Ces nouveaux rapports confirment plusieurs années de mes propres rapports qui documentaient une vaste intervention israélienne dans le conflit syrien, y compris de nombreuses attaques aériennes contre le Hezbollah et les convois d’armes iraniens, le bombardement d’un avion syrien qui s’était aventuré de quelques mètres dans le Golan occupé par Israël, les assassinats de commandants du Hezbollah et iraniens, les largages d’équipement aux unités d’al-Nosra alliées à al-Qaïda et les briefings directs entre les officiers de l’armée israélienne et les commandants rebelles.

Israël veut une Syrie divisée. Il veut un pays divisé par des conflits ethniques et religieux afin de pouvoir dominer le Golan et protéger sa frontière nord

Tout cela a démenti les fausses affirmations répétées dans les médias (y compris dans cet article de WSJ) selon lesquelles Israël est un parti neutre dans le conflit – ce dont Israël voudrait persuader le monde. Au contraire, il y est profondément impliqué et cherche à affaiblir ou à renverser Bachar al-Assad car les ennemis d’Israël, le Hezbollah et l’Iran, sont les principaux alliés du président syrien.

Je m’attends à ce que l’escalade israélienne se poursuive étant donné qu’Assad et ses alliés sont en train de prendre le dessus. Ils repoussent l’EI dans l’est de la Syrie et, une fois que ce sera fait, il est très possible qu’Assad puisse porter son attention vers l’ouest, notamment le Golan, pour consolider ses acquis territoriaux. Le véritable test interviendra à ce moment-là.

Israël veut une Syrie divisée. Il veut un pays divisé par des conflits ethniques et religieux afin de pouvoir dominer le Golan et protéger sa frontière nord. Jusqu’où est-il disposé à aller pour empêcher Assad d’y réaffirmer son contrôle total ?

 

 


Le président Bachar al-Assad salue le ministre iranien des Affaires étrangères Mohammad Javad Zarif à Damas en janvier 2014 (AFP/SANA)

 

Israël a eu de nombreuses occasions de négocier un accord de paix avec Bachar al-Assad et, plus tôt encore, avec son père. Il a tourné le dos à chacun de ces efforts. Il ne veut pas d’un accord avec Assad.

Pour éviter une confrontation politique interne avec les forces nationalistes concernant la restitution du Golan, le gouvernement de droite d’Israël préfère conserver sa conquête illégale du Golan et le statu quo. Pour ce faire, il faut continuer à semer la discorde et les équipées militaires dans le Golan.

Coup de semonce

De nombreuses escalades de mauvais augure dans le conflit syrien se sont produites ces derniers jours. L’Iran a annoncé avoir tiré des missiles depuis son territoire avec pour objectif des positions de l’EI dans l’est de la Syrie. Cela signifierait que le progrès technique des forces iraniennes est tel qu’elles sont désormais capables d’atteindre des cibles à des centaines de kilomètres de là. La dernière fois qu’elles ont attaqué un ennemi au-delà des frontières de cette manière était pendant la guerre Iran-Irak dans les années 1980.

L’attaque au missile de l’Iran est un avertissement à peine voilé adressé aux Saoudiens : tout comme nous pouvons atteindre l’EI en Syrie, nous pouvons vous atteindre à Riyad

Des sources militaires anonymes israéliennes ont affirmé que chacun des sept missiles qui avaient été tirés ont manqué leur cible, plusieurs n’ayant même pas atterri en Syrie. Cependant, en dehors de sources anonymes, les Israéliens n’ont rien fourni pour étayer leurs allégations. Il serait dans l’intérêt d’Israël de répandre des affirmations fallacieuses discréditant la prouesse militaire de son principal rival régional.

L’Iran a expliqué que l’attaque antimissile était une vengeance par rapport à une attaque terroriste récente perpétrée par des Kurdes iraniens à Téhéran et que l’EI a revendiquée. Puisque l’Iran a également accusé l’Arabie saoudite de l’attentat, qui a tué dix-sept personnes, en majorité des civils, l’attaque aux missiles est un avertissement à peine voilé adressé aux Saoudiens : « tout comme nous pouvons atteindre l’EI en Syrie, nous pouvons vous atteindre à Riyad ».

Ou comme le correspondant d’Al Jazeera l’a déclaré : « Et, bien sûr, nous devons considérer cela dans un contexte géopolitique plus large : il sera très intéressant d’observer la réaction de pays comme l’Arabie saoudite, les États-Unis et Israël parce que l’Iran montre qu’il peut riposter et le fera. »

Le 18 juin, un avion de combat américain a abattu dans la campagne de Raqqa un avion de guerre syrien qui avait bombardé un objectif proche des forces rebelles syriennes soutenues par les États-Unis. L’armée américaine affirme que la cible était les Forces démocratiques syriennes (que les troupes du régime syrien avaient chassées de la ville), tandis que le régime prétend qu’il s’agissait de l’EI. L’aviation américaine a également abattu au moins deux drones pro-régime syrien.

Peur de la victoire d’Assad

Tout cela s’inscrit dans le cadre du succès croissant d’Assad qui reprend le territoire qui était autrefois contrôlé par l’EI. Les États-Unis, en attaquant les avions de guerre syriens, tentent d’entraver les efforts d’Assad. Dans les faits, cela signifie que la politique américaine reflète largement celle d’Israël. L’administration Trump semble elle aussi ne pas vouloir d’une Syrie unie, et préférer une Syrie divisée en cantons ethniques.

L’ultimatum lancé au Qatar afin qu’il mette fin à ses relations avec l’Iran et le Hezbollah est un exemple de la manière dont les répercussions de ce qui se passe en Syrie pourraient créer un tsunami dans tout le Moyen-Orient

L’allié russe d’Assad a réagi avec colère à l’attaque des États-Unis et a annulé les efforts critiques de désescalade visant à empêcher les différentes forces qui se battent en Syrie de s’attaquer accidentellement (les agents américains ont depuis indiqué qu’une ligne de désescalade est toujours en opération). En outre, la Russie a annoncé que toute autre attaque américaine contre l’aviation syrienne pourrait entraîner un conflit direct avec la Russie.

Tout cela fait partie d’une escalade américaine de sa propre implication qui a consisté à bombarder un convoi militaire du gouvernement syrien, une mosquée, et maintenant cela. De toute évidence, l’administration Trump dirige l’armée vers une démonstration de force dans cette arène.

Le problème est qu’il s’agit d’un champ de bataille très fréquenté et que de nombreuses parties sont impliquées, notamment la Russie. L’avion que l’armée américaine a abattu était un bombardier Sukhoï russe, par exemple. Il suffira d’une erreur commise en une fraction de seconde pour que cela se transforme en un bain de sang majeur qui pourrait entraîner les principales parties au conflit bien plus loin qu’elles le voudraient.

La nouvelle alliance

La Syrie n’est qu’une fraction d’un terrain de jeu plus large dans la région où les forces sunnites, financées par l’Arabie saoudite et les États du Golfe, sont confrontées au pouvoir chiite sous l’égide de l’Iran et du Hezbollah.

Au fur et à mesure que la coalition sunnite perd de son influence en Syrie, cette rivalité s’est déplacée vers des endroits nouveaux et même plus dangereux. L’ultimatum lancé au Qatar afin qu’il mette fin à ses relations avec l’Iran et le Hezbollah est un exemple de la manière dont les répercussions de ce qui se passe en Syrie pourraient créer un tsunami dans tout le Moyen-Orient.

Une alliance croissante entre l’Arabie saoudite et Israël ajoute encore un autre élément combustible au mélange. Les deux semblent avoir envie de se mesurer à l’Iran. Quand ils étaient des acteurs séparés, le danger d’un tel conflit était plus faible.

Alors que ces deux pays s’unissent contre un ennemi commun, les entraves sont considérablement réduites, sans oublier que l’ascension d’un jeune prince saoudien impétueux et ambitieux qui s’est montré bien trop empressé à embourber son royaume dans des interventions étrangères accroît encore plus le danger d’un tel scénario.

Richard Silverstein est l’auteur du blog « Tikum Olam » qui révèle les excès de la politique de sécurité nationale israélienne. Son travail a été publié dans Haaretz, le Forward, le Seattle Times et le Los Angeles Times. Il a contribué au recueil d’essais dédié à la guerre du Liban de 2006, A Time to speak out (Verso) et est l’auteur d’un autre essai dans une collection à venir, Israel and Palestine: Alternate Perspectives on Statehood (Rowman & Littlefield).

Les opinions exprimées dans cet article n’engagent que leur auteur et ne reflètent pas nécessairement la politique éditoriale de Middle East Eye.

Photo : des soldats israéliens participent à un entraînement militaire sur le plateau du Golan occupé par Israël, près de la frontière israélo-syrienne, le 22 mars 2017 (AFP).

Traduit de l’anglais (original) par VECTranslation

 

 

http://www.middleeasteye.net/fr/opinions/le-secret-le-plus-mal-gard-de-la-guerre-syrienne-qui-pourrait-devenir-le-cauchemar-d-isra-l

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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 06:16
Israël bombarde à nouveau la Syrie
 
 

L’armée israélienne a mené plusieurs frappes aériennes en Syrie depuis 2011, la plupart visant, selon elle, le Hezbollah, allié du régime syrien.

 

Le Monde.fr avec AFP | • Mis à jour le

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La tension monte sur le plateau du Golan. L’aviation israélienne a de nouveau bombardé, vendredi 30 juin, une position de l’armée syrienne, quelques heures après qu’une roquette tirée depuis la Syrie a frappé cette région occupée par l’Etat hébreu, a annoncé l’armée israélienne.

 

Selon elle, une roquette a été « tirée de Syrie dans une zone inhabitée dans le nord du plateau du Golan », sans faire de dégâts ni de blessé. Elle a précisé que ce projectile résultait de « combats internes en Syrie ».

Selon elle, une roquette a été « tirée de Syrie dans une zone inhabitée dans le nord du plateau du Golan », sans faire de dégâts ni de blessé. Elle a précisé que ce projectile résultait de « combats internes en Syrie ».

C’est la quatrième fois en une semaine que des roquettes et projectiles atterrissent dans la partie du Golan occupée par Israël. La région est également connue pour être le lieu d’affrontements entre les forces du régime de Bachar Al-Assad et des groupes rebelles.

En état de guerre

Lors d’un discours tenu mercredi, le premier ministre israélien Benyamin Nétanyahou a assuré qu’Israël ne tolérerait aucun tir contre son territoire et répliquerait en cas d’attaque. « Quiconque nous attaque, nous l’attaquerons. Telle est notre politique et nous la poursuivrons », a-t-il lancé.

L’armée israélienne a mené plusieurs frappes aériennes en Syrie depuis 2011, date du début de la guerre, la plupart visant, selon elle, des convois ou entrepôts d’armes destinées au Hezbollah, mouvement chiite libanais, allié du régime syrien.

Israël occupe depuis 1967 et la guerre de Six-Jours quelque 1 200 km2 du plateau du Golan. Cette annexion n’a jamais été reconnue par la communauté internationale. Environ 510 km2 restent sous contrôle syrien.

Lire aussi :   La guerre des Six-Jours, un tournant dans l'histoire israélienne


http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/06/30/israel-bombarde-a-nouveau-la-syrie_5153895_3218.html#JgOkbDfgDhMlcVHZ.99

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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 06:09
L’Est méditerranéen : un nouvel eldorado gazier ?
 
Tribune
28 juin 2017
Par Mikaël Lefèvre, consultant en énergie et géosciences pétrolières pour Capgemini
 
 
 
   
Depuis la chute abrupte des cours du baril de juin 2014, le prix du baril West Texas Intermediate (WTI) s’est, non sans mal, stabilisé autour de 50$ l’unité. Dans ce nouveau paysage, pays producteurs, importateurs et grandes compagnies pétrolières ont dû profondément s’adapter afin de préserver leurs intérêts. Ainsi, après des mois de négociation, l’OPEP annonçait la signature d’un accord avec des pays hors de l’organisation (nommément la Russie) visant à réduire la production pétrolière de 562 000 barils par jour. Les grandes compagnies pétrolières ont également dû se repositionner vers des zones économiquement matures, techniquement moins risquées et plus rentables à la défaveur des zones d’exploration « frontières », telles que l’Arctique. Dans ce contexte, les ressources mises à jour depuis dix ans qui ne cessent de faire grossir les réserves prouvées et estimées de l’Est méditerranéen pourraient redéfinir l’équilibre des forces entre les États concernés, ainsi qu’affecter de façon significative les intérêts russes et européens dans la région.

Historique des hydrocarbures Est-méditerranéens

La Grèce, la Turquie, la Syrie, le Liban, Chypre, Israël et l’Egypte se disputent un domaine maritime historiquement très prolifique pour le commerce et d’une rare instabilité politique depuis l’Antiquité. Noble Energy (une compagnie pétrolière américaine privée) met à jour le 30 décembre 2010 le champ gazier de Leviathan par 5170m de profondeur, pour des réserves estimées entre 460 et 621 Gm3 (milliard de mètre cube). Les champs de Tamar (2009) et Tanin (2012) s’y ajoutant ont donné à Israël des arguments de poids pour négocier avec ses voisins égyptien, turc et jordanien des contrats d’exports pouvant potentiellement stabiliser la région autour d’intérêts communs ou en dégrader le climat à la faveur de volontés belliqueuses.

Cependant, la compagnie indépendante italienne ENI a également mis à jour en 2015 dans le delta du Nil le gisement gazier « super-géant » de Zohr, révélant pas moins de 850 Gm3 et en faisant à ce jour le plus grand gisement de gaz découvert en Méditerranée. Celui-ci s’ajoute aux réserves de gaz conséquentes mises à jour par BP sur les champs de Salamat (2013), Atoll (2015) et tout récemment
Qattameya (mars 2017). L’ensemble de ces découvertes va indubitablement permettre à l’Égypte de devenir exportatrice, sinon au moins autosuffisante en gaz naturel, malgré sa consommation de plus de 50 Gm3 déjà en 2013. Il est important de rappeler à ce titre que l’Égypte est devenue depuis 2010 un importateur net de gaz naturel et que sa consommation de gaz naturel a augmenté de 7.0% pour la seule année 2016, passant à 51,1 Gm3 (contre 42,6 Gm3 pour la France par exemple).

Des compagnies régionales intermédiaires comme Delek Group (Israël) ou Energean (Grèce) arrivent également à tirer leur épingle du jeu sur la vente du gaz aux fournisseurs d’énergies locaux, redynamisant l’ensemble de l’industrie locale dans une région soumise à de
très fortes tensions.

Quelles conséquences ? Quel avenir ?

Nonobstant les évidents avantages économiques dont pourrait bénéficier l’ensemble du bassin méditerranéen, les conséquences de la mise en place d’une grande province gazière prête à l’export en Méditerranée orientale pose différentes questions.

Sur la scène mondiale d’abord, l’hypothèse d’un export de gaz naturel vers l’Europe en contournant la Russie pourrait générer des tensions entre les exportateurs méditerranéens et Russes, ces derniers étant très largement dépendants de la rente gazière. Cette hypothèse reste cependant peu probable considérant
la volonté du Caire de conserver l’ensemble des ressources gazières de méditerranée pour un usage domestique. Si des ressources gazières continuent d’être mises à jour dans le delta du Nil, l’Égypte pourrait néanmoins à terme devenir exportatrice nette à la faveur d’une demande mondiale en augmentation continue depuis 2009.

De la même façon, la sécurité des infrastructures pétrolières pourra devenir un enjeu primordial pour les pays concernés dans des eaux où croisent les marines nationales de nombreux États, au cœur d’une
région actuellement en conflit. L’acquisition en septembre 2015 par l’Égypte de deux frégates de classe Mistral n’est certainement pas anodine dans ce contexte géopolitique possiblement conflictuel, donnant à la marine égyptienne une capacité de protection de ses infrastructures gazières. Le premier Floating Production Storage Offset (FPSO : unité flottante de production, de stockage et de déchargement) à opérer en Méditerranée orientale devrait produire en 2020 sur les champs israéliens de Tanin et Karish. Il est certain que la sécurité d’infrastructures aussi sensibles à proximité de la Syrie en guerre, et à portée d’une attaque terroriste pouvant déclencher une marée noire sans précédent sur les côtes israélienne, ne manquera pas de recentrer les intérêts géostratégiques des nations concernées vers leurs forces maritimes.

Il est enfin important de noter que la phase d’exploration des ressources gazières en Méditerranée orientale est loin d’être terminée, pouvant faire surgir d’autres problèmes politiques : l’entreprise d’information économique IHS Markit a annoncé début 2017 que l’un des puits d’exploration les plus critiques de l’année serait celui opéré par le français Total dans le bloc 11 au large des eaux territoriales chypriotes, juste au Nord du champ égyptien de Zohr. Si ce dernier se révélait fructueux, la mise à jour de ressources gazières dans les eaux de Chypre pourrait faire resurgir la question de la réunification de l’île divisée en deux depuis l’invasion en 1974 de sa partie Nord par la Turquie. En cas de découverte gazière majeure, les disparités économiques actuelles entre la République turque de Chypre du Nord (RTCN) - non reconnue par la communauté internationale - et la République de Chypre pourraient initier des mouvements populaires pour une répartition équitable de la future rente gazière sur l’ensemble de l’île, ainsi que conduire à une réunification de l’île sous des auspices turques et américaines
jusqu’alors favorables. Cela pourrait également permettre à l’Union européenne de profiter des ressources gazières méditerranéennes pour diversifier les sources d’importation vers son marché largement dépendant de la Russie aujourd’hui. Un échec, bien que moins bruyant politiquement, le sera bien davantage pour les compagnies pétrolières opérant dans la région (la licence du bloc 11 se partage entre Exxon, ENI et Total) qui doivent encore aujourd’hui rationnaliser leurs dépenses et repenser leur stratégie d’exploration, malgré les résultats encourageants de ce début d’année [9].
 
 
 
 
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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 06:02
Le coup politique de Macron sur la Syrie
 
 
 
 
 
 
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En assumant un « aggiornamento » sur la politique française en Syrie, le nouveau président a en grande partie verbalisé ce que les gouvernements précédents avaient fini par admettre : le départ de Bachar al-Assad n'était plus leur priorité. Mais Macron va plus loin, en reprenant les principaux arguments des soutiens du régime, notamment russes.

            
Dans les mots, le revirement est spectaculaire. Dans les faits, sa portée est plus discutable. En assumant un « aggiornamento » de la politique française en Syrie, Emmanuel Macron a abandonné les engagements pris par Paris depuis 2011 : le départ de Bachar al-Assad, qui « n’est pas notre ennemi », n’est plus un objectif pour le nouveau président de la République, tout à sa volonté de remettre la France au cœur du jeu diplomatique mondial et de renouer le dialogue avec la Russie de Vladimir Poutine.

À bien des égards, il ne fait que valider une réorientation souterraine de la politique française depuis les attentats de novembre 2015. Mais en s’alignant sur la rhétorique de Moscou, Macron va encore plus loin et prend le risque de perdre toute crédibilité sur la défense des droits de l’homme et le soutien aux sociétés civiles.

Selon plusieurs sources interrogées par Mediapart, il a d’ailleurs totalement pris de court les diplomates et les spécialistes français du dossier syrien, qui n’ont pas été consultés en amont. Seul le ministre des affaires étrangères Jean-Yves Le Drian qui défendait, à la Défense, un discours similaire, et qui était à Moscou la semaine dernière, semblait être dans la confidence.

C’est un entretien publié jeudi 22 juin par huit journaux européens, dont Le Figaro, qui a déclenché la polémique. « Le vrai aggiornamento que j'ai fait sur ce sujet, c'est que je n'ai pas énoncé que la destitution de Bachar al-Assad était un préalable à tout », explique Macron. Pendant la campagne, il avait pourtant juré à plusieurs reprises que le président syrien, responsable du massacre de son peuple, devait quitter le pouvoir pour assurer une transition politique durable. Il l’a encore dit en recevant les principaux représentants de l’opposition syrienne au lendemain de la visite de Vladimir Poutine à Versailles.

Mais l’ancien conseiller de François Hollande s’était toujours montré plus prudent que les exécutifs précédents : lors d’une visite à Beyrouth en janvier, le candidat d’En Marche! avait déjà estimé que « l'erreur qui a été faite, de droite ou de gauche, a été à un moment de faire du départ de Bachar al-Assad un préalable à tout ». « La France n'est pas là pour décerner des bons points et des mauvais points à qui que ce soit, elle est là pour construire la paix, c'est bien plus compliqué », avait-il insisté.

Le gouvernement français lui-même avait déjà entamé une réorientation de son discours sur la Syrie : juste après les attentats de Paris et de Saint-Denis le 13 novembre 2015, François Hollande avait tenté de se rapprocher (en vain) de la Russie et avait indiqué que le principal ennemi de la France était l’État islamique (EI, ou Daech), et non le régime syrien. C’est aussi à cette époque que le président avait décidé de participer aux frappes de la coalition emmenée par les États-Unis en Syrie – jusque-là, la France n’opérait qu’en Irak et refusait de bombarder les positions de l’EI en Syrie pour ne pas renforcer le régime.

En janvier 2017, le ministre des affaires étrangères Jean-Marc Ayrault avait aussi déclaré : « Si certains veulent à tout prix qu'on place le débat sur: “Est-ce que l'on garde Assad ou est-ce que l'on ne garde pas Assad”, ce n'est pas comme cela que la question se pose. » Selon un témoin, son cabinet avait déjà indiqué à son arrivée au Quai d’Orsay, un an plus tôt : « On va arrêter de parler de Bachar al-Assad. »

De ce point de vue, Emmanuel Macron, élu président, ne fait que tirer les enseignements des errements passés de la diplomatie française qui s’est elle-même condamnée à l’impuissance : elle proclamait nécessaire le départ de Bachar al-Assad mais s’avérait incapable de l’obtenir. Au fil des années, et singulièrement depuis l’intervention militaire russe, la France, jugée peu crédible par toutes les parties prenantes, s’est trouvée totalement marginalisée, voire isolée, sur le dossier syrien (lire notre analyse).

« La diplomatie française ne s’est pas trompée sur le diagnostic, mais il est vrai qu’elle n’a pas trouvé les leviers lui permettant d’avoir un impact à la hauteur des enjeux », estime l’ancien ambassadeur de France en Syrie, Michel Duclos, dans une note très détaillée que vient de publier l’Institut Montaigne. « Comment faire du départ d’Assad une pré-condition alors qu’il n’y a même pas de négociation réelle à Genève ? », relève aussi une source diplomatique.

Depuis son arrivée à l’Élysée, Emmanuel Macron, qui rêve comme tous les présidents avant lui de redorer l’image de la France, tente donc de rééquilibrer la position française pour lui rendre sa crédibilité et retrouver une place à la table des “grands” dont l’avis compte pour l’avenir du Proche- et du Moyen-Orient. Cette envie était palpable lors de son déplacement à l’Otan fin mai et de sa rencontre avec le président américain Donald Trump. Lors d’un débriefing avec la presse, l’Élysée avait exprimé son enthousiasme, y compris sur « la volonté des Américains d’échanger avec nous » sur le dossier syrien. « Il faut assez rapidement, en lien avec l’Onu et les pays les plus engagés dans la région, trouver un format de dialogue pour amorcer et accompagner une forme de transition diplomatique et politique inclusive », avait précisé l’équipe de Macron.

Le nouveau président a également répété à plusieurs reprises qu’il voulait combattre les tentations néoconservatrices qui ont agité la diplomatie française à intervalles réguliers, et manifeste le plus grand scepticisme à l’égard du « regime change ». « Avec moi, ce sera la fin d'une forme de néoconservatisme importée en France depuis dix ans, explique-t-il dans cet entretien à la presse européenne. La démocratie ne se fait pas depuis l'extérieur à l'insu des peuples. La France n'a pas participé à la guerre en Irak et elle a eu raison. Et elle a eu tort de faire la guerre de cette manière en Libye. Quel fut le résultat de ces interventions ? Des États faillis dans lesquels prospèrent les groupes terroristes. Je ne veux pas de cela en Syrie. » Des propos qu’il avait déjà tenus, presque mot pour mot, sur le plateau de Mediapart deux jours avant le second tour.

Parallèlement, il a rappelé sa volonté d’intervenir militairement à l’aune de « lignes rouges » – une référence aux propos de Barack Obama sur les armes chimiques. « J'ai deux lignes rouges, les armes chimiques et l'accès humanitaire, a redit Macron. Je l'ai dit très clairement à Vladimir Poutine, je serai intraitable sur ces sujets. Et donc l'utilisation d'armes chimiques donnera lieu à des répliques, y compris de la France seule. La France sera d'ailleurs à cet égard parfaitement alignée avec les États-Unis. » Donald Trump a lui-même décidé de frappes unilatérales après l’attaque chimique de Khan Cheikhoun, en avril dernier.

Macron et ses soutiens, à l’image de l’ambassadeur de France aux États-Unis Gérard Araud, assument donc un discours qu’ils jugent « réaliste », conforme à la réalité du terrain, et qui s’inspire des propos tenus ces dernières années par l’ancien ministre des affaires étrangères Dominique de Villepin, dont le nouveau président se dit proche, ou de Hubert Védrine.

« Ce n’est pas mal joué, estime aussi une source militaire. Sur le terrain, les ordres n’ont absolument pas changé. Mais cela évite d’être marginalisé. Si on reste sur une position de principe, on sera tout seul, et on ne comptera pas dans la solution. » Le revirement de Macron, qui n’est « que du verbal », selon cette même source, permet aussi « d’ôter un argument aux Russes » et de « parler aux Iraniens », alors que l’Iran attire les convoitises des grandes entreprises depuis l’accord sur le nucléaire.

 
 

Macron reprend les principaux arguments des soutiens du régime

Mais dans ses dernières déclarations, Emmanuel Macron ne s’arrête pas là : lui qui est si attentif à son expression et aux termes qu’il emploie reprend, pour justifier son « aggiornamento », les principaux arguments défendus depuis des années par le régime syrien et ses alliés. Il prétend ainsi que le départ de Bachar al-Assad ne doit pas être un « préalable », non pas parce que les Russes et les Iraniens ne veulent pas en entendre parler en l’état, mais « car personne ne m’a présenté son successeur légitime ». Il promeut aussi « la stabilité de la Syrie », « car je ne veux pas d’un État failli », dit-il, reprenant ainsi l’une des obsessions russes. Des propos qui ont évidemment ravi la propagande de Damas, ou certains soutiens zélés du régime comme l’ancien député LR Thierry Mariani ou l’ancien président du Front national de la Jeunesse (FNJ) Julien Rochedy, et qui ont écœuré l’opposition syrienne.

Mais comment Emmanuel Macron peut-il prétendre qu’aucune transition politique n’est possible ? Et comment peut-il affirmer que la Syrie n’est pas déjà un « État failli », alors que le régime ne tient que grâce au soutien de puissances étrangères, la Russie et l’Iran, et que le conflit a fait plus de 300 000 morts et des millions de réfugiés ? Comment peut-il omettre publiquement la responsabilité du clan au pouvoir dans la prospérité du djihadisme de l’EI ?

« C'est du mépris affiché vis-à-vis de tout un peuple et une approche qui dessaisit la France des valeurs universelles et du droit international qu'elle prétend souvent défendre, rétorque le chercheur Ziad Majed, spécialiste de la Syrie. Pire encore, ce message sera interprété par le dictateur syrien comme un permis de tuer, comme une totale immunité. » Il rappelle également que « plus Assad reste au pouvoir, plus Daech, Al-Nosra, ou d'autres qui leur succéderaient, augmenteront leur capacité de recrutement ». Avant d’ajouter : « Macron promettait de jouer un rôle de leadership politique et éthique au niveau européen et international. Cette déclaration l'a d'emblée décrédibilisé aux yeux d'une grande partie de ceux qui y croyaient. »

« La Syrie est un État failli depuis très longtemps, depuis bien avant le déclenchement de la révolution, dénonce Salam Kawakibi, chercheur en sciences politiques et directeur adjoint de l’Arab Reform Initiative établi à Paris. Ici, il n’y a pas d’État, mais un régime dictatorial qui s’est approprié du pouvoir et des ressources. Tout cela, c’est le b.a.-ba de la situation. »

« Sur le plan analytique, cela ne fait aucun doute : lorsque l’on connaît la véritable nature de ce régime, il n’est pas possible de croire en sa capacité de s’amender ou de le considérer comme un partenaire, tant sa connivence avec le terrorisme est profonde, et sa duplicité insondable, analyse également l’ancien ambassadeur Michel Duclos, qui juge dans le même temps que « sur le plan de la tactique diplomatique, l’insistance mise sur l’exigence du départ d’Assad s’est révélée contre-productive ». Mais à ses yeux, « aucune stabilisation réelle ne peut intervenir sans une éviction de Bachar al-Assad et de ses principaux associés ».

Ces constats sont largement partagés par les diplomates français et par les principaux spécialistes de la Syrie et de l’EI. Certains d’entre eux craignent une politique à courte vue, qui conduirait à soutenir, partout, et sans conditions, tous les régimes dictatoriaux au prétexte de la « stabilité » et de la lutte antiterroriste. Une doctrine ancienne, qui avait vacillé sous l’effet des printemps arabes, mais qui est revenue en force avec l’expansion de Daech. C’est le sens du soutien indéfectible de la France au régime égyptien, ou même de la récente visite d’Emmanuel Macron au Maroc. Mais cette doctrine omet, à chaque fois, de rappeler que ce sont aussi ces régimes qui ont, par tactique, ou par leur violence, ou les deux, largement alimenté les réseaux djihadistes.

Les partisans de la nouvelle ligne Macron, eux, font le pari que ses propos, même excessifs, permettront de renouer le dialogue avec Poutine, et in fine à la France de participer à une solution politique, qui contribuera à « anéantir » Daech et à stabiliser la région. Mais si ce pari échoue, les mots, eux, resteront. Comme une tache sur un quinquennat qui vient de commencer.

 

 
 
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2 juillet 2017 7 02 /07 /juillet /2017 05:54
Arabie saoudite : la longue marche des femmes
 
 
En Arabie saoudite, les femmes sont des citoyennes de seconde classe. Elles ne peuvent ni conduire, ni voyager, sans l'autorisation d'un tuteur : frère, père, cousin ou même fils. Néanmoins, face à la nécessité économique de sortir du tout-pétrole et aux aspirations d'une jeunesse accro aux réseaux sociaux, les autorités lâchent petit à petit du lest. Nos reporters sont partis à la rencontre de ces femmes en quête d'émancipation.

En décembre 2015, le royaume wahhabite organise, à grand renfort de publicité, des élections municipales historiques. Pour la première fois, les femmes y ont le droit de voter et d’être élues. S’il s’agit d’une avancée certaine, elle est restée symbolique, car seules 21 femmes ont été élues sur un total de plus de 2 000 sièges. Par ailleurs, nombre d’entre elles, une fois en poste, se sont aperçues qu’elles n’avaient pas forcément toute latitude pour exercer le pouvoir au sein de leur mairie.

 

En réalité, au-delà d’une volonté politique, ce sont surtout des facteurs économiques qui motivent le changement. Pour faire face à la baisse des prix du pétrole, l’Arabie saoudite n'a d'autres choix que diversifier son économie, jusqu’à maintenant totalement dépendante de l’or noir. Portées par cet appel d’air, les Saoudiennes sont en train de voir s’ouvrir des domaines qui leur étaient jusque là interdits. Elles sont désormais avocates, pharmaciennes ou même nommées à la tête de la bourse ou d’un grande banque.

Des changements cosmétiques

Autre facteur favorable à cette révolution féminine : la réalité démographique du pays, incontournable. À ce jour, 70 % des Saoudiens ont moins de 30 ans et besoin de respirer dans une société corsetée par la tradition et la religion. Pour faire face à ces nouvelles aspirations, les autorités ont décidé d’assouplir certaines règles, en faisant notamment la promotion du sport pour les femmes et du divertissement. Ordre a également été donné à la tristement célèbre police religieuse de relâcher quelque peu son étreinte sur la société. Les jeunes prennent ainsi quelques libertés avec les tenues et les coutumes traditionnelles.

Aux yeux de la poignée d’activistes qui continue à se battre pour une véritable émancipation, ces changements sont avant tout cosmétiques. Pour elles, le pays a besoin de mesures drastiques, notamment la fin du régime de la tutelle et de l’interdiction de conduire. Malgré leurs aspects ultrasensibles, même certains proches du pouvoir admettent que ces changements sont nécessaires. Reste que la route vers l’égalité est encore longue et semée d’embûches pour les femmes du royaume.

Par Marc PERELMAN , Georges YAZBECK

 

 

http://www.france24.com/fr/20170630-reporters-arabie-saoudite-droits-femmes-jeunes-religion-islam-interdictions-egalite

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