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29 mars 2016 2 29 /03 /mars /2016 02:34

Crise du Yémen un an après l’intervention de la coalition arabe

L’échec de Riyad

le 27.03.16 | 10h00

Dans la nuit du 25 au 26 mars 2015, l’Arabie Saoudite, à la tête d’une coalition de dix pays, lançait une opération militaire aérienne au Yémen contre les rebelles houthis,

minorité zaydite d’obédience chiite. Objectif : chasser les Houthis de la capitale, Sanaa, qu’ils occupent militairement depuis septembre 2014 et de rétablir le pouvoir du président Abd Rabbo Mansour Hadi, réfugié à Riyad. Sur le plan régional, l’offensive vise à contrer l’influence de l’Iran.

Un an après cette campagne militaire, non seulement cet objectif n’est pas atteint, mais de surcroît il a suscité l’hostilité des populations yéménites.

Hier, les habitants de Sanaa se sont rassemblés pour protester contre la coalition militaire arabe à l’appel du Congrès populaire général (CPG), parti de l’ancien président Ali Abdallah Saleh. «D’ici, nous tendons une main pour la paix, la paix des courageux, pour des pourparlers directs avec le régime saoudien sans passer par le Conseil de sécurité de l’Organisation des Nations unies (ONU)», a déclaré l’ex-président Saleh.

Il a aussi appelé le Conseil de sécurité à «émettre une résolution imposant un embargo sur les armes au régime saoudien». Sachant que le 7 novembre 2014, à l’initiative des Etats-Unis, le Conseil de sécurité avait pris des sanctions contre l’ex-président Saleh et deux chefs houthis pour avoir provoqué l’instabilité du pays.

Vendredi dernier, le leader des rebelles, Abdel Malik Al Houthi, dans un discours, a qualifié la coalition menée par l’Arabie Saoudite d’«agression». «Un an après, nous constatons le résultat de cette agression (...). Le but était d’aider et de servir le peuple yéménite. Cette aide a pris la forme de meurtres criminels et de génocide.»

Des pourparlers entre le gouvernement et les rebelles parrainés par l’ONU ont été lancés à la mi-juin 2015, suivis d’une deuxième session en décembre avec plusieurs trêves non respectées. Le médiateur de l’ONU au Yémen, Ismaïl Ould Cheikh Ahmed, a annoncé mercredi un cessez-le-feu dans tout le pays pour le 10 avril et la reprise de négociations de paix le 18 avril au Koweït. «Les parties en conflit ont accepté une cessation des hostilités dans tout le pays à partir du 10 avril à minuit, avant la nouvelle session de négociations de paix qui aura lieu le 18 avril au Koweït», a-t-il déclaré à New York.

Il a précisé que «toutes les parties» yéménites participeraient à ces discussions qui devraient se dérouler «en face-à-face». L’objectif «est de parvenir à un accord pour mettre fin au conflit et permettre la reprise d’un dialogue politique inclusif, en conformité avec les résolutions de l’ONU dont la résolution 2216», a-t-il indiqué.

Enlisement

Depuis 2004, les Houthis mènent la guerre au pouvoir central de Sanaa. Jusqu’à 2010, six guerres ont eu lieu entre les deux belligérants. Le président de l’époque, Abdallah Saleh, les justifie par le fait que les Houthis veulent rétablir l’imamat aux dépens de la République. Le Qatar propose ses bons offices pour trouver une issue au conflit. Cependant, la médiation de 2007, suivie d’un traité en février 2008, n’a pas empêché à la reprise des combats en avril de la même année.

De son côté, Riyad est intervenu militairement en novembre 2009 à Saada, bastion des Houthis, une ville située à ses frontières. En août 2010, un autre traité a été signé à Doha entre le gouvernement et les insurgés.

Après le départ de Abdallah Saleh du pouvoir, ils poursuivent leur guerre contre les nouvelles autorités de Sanaa. En la circonstance, les partisans de l’ancien président deviennent les alliés des Houthis. Fin décembre dernier, devant des membres de son parti, le CPG, Saleh a refusé de participer au dialogue interyéménite pour arrêter la guerre civile. «Nous ne participerons pas au dialogue si la guerre ne s’arrête pas», a déclaré l’ex-Président.

Et de poursuivre : «Si la guerre s’arrête, nous aurons des discussions avec l’Arabie Saoudite et non avec les délégués des fuyards», allusion au président Rabo exilé à Riyad. A ses yeux, «la bataille n’a pas encore commencé» et «commencera» si le gouvernement et la coalition sous commandement saoudien qui le soutient «ne choisissent pas le chemin de la paix». En mai, Abdallah Saleh a déclaré avoir «refusé des millions de dollars» de l’Arabie Saoudite s’il se retournait contre les Houthis.


es révoltes populaires de 2011 ont contrarié l’ambition de Abdellah Saleh qui s’apprêtait à modifier la Constitution pour se représenter à la présidentielle de 2013 et y rester à vie. Après avoir survécu à un attentat, il se fait soigner en Arabie Saoudite, où il signe, ensuite, un accord de transition qui le contraint à céder le pouvoir pour se retrouver aujourd’hui allié de ses ennemis d’hier, les Houthis.
L’Arabie Saoudite s’est montrée discrète en la circonstance. Sa priorité consiste à affaiblir l’influence sur la scène politique des Frères musulmans représentés par son allié d’hier, le parti Al Islah.

Le royaume wahhabite constate à ses dépens l’ascendant de la confrérie dans les rouages du pouvoir, appuyé par le Qatar. Rivale de Riyad, Doha constitue un soutien important à cette congrégation et a condamné la destitution du président égyptien Mohamed Morsi par les militaires, en juillet 2013.

De son côté, la dynastie Al Saoud a cautionné la prise du pouvoir par le général Al Sissi. Durant l’ère Gamel Abdel Nasser, Riyad a soutenu la confrérie, adversaire du raïs. Le royaume wahhabite change d’allié au Yémen selon les circonstances. En 1994, durant la guerre de sécessionentre le Nord et le Sud, l’Arabie Saoudite avait soutenu paradoxalement les Sudistes qu’elle dénonçait jusque-là comme «communistes». Les Saoudiens ont soutenu les royalistes, dont les zaydites, dans leur guerre contre les «républicains» de 1962 à 1970. Ces derniers sont appuyés par l’Egypte de Nasser en dispute avec Riyad sur le leadership du Monde arabe.

Aujourd’hui, le conflit du Yémen a ressuscité l’ex-président Saleh, sachant que le tribalisme joue un grand rôle dans l’échiquier politique yémenite. Et Abdallah Saleh est réputé habile dans le jeu des alliances. Prenant le pouvoir en 1978 après l’assassinat d’Ahmed Al Ghachemi, il élimine ses opposants et alimente l’esprit tribalo-religieux hérité de l’ère royaliste. Les tribus du Nord se regroupent dans deux grandes confédérations, les Hashed et les Bakil, et jouent un grand rôle sur le plan politique. Le président Abdallah Saleh les a longtemps utilisées pour se maintenir au pouvoir.

A côté des réalités tribales, il y a l’élément religieux entretenu par le parti Al Islah de la confrérie des Frères musulmans dirigé par Abdallah Al Ahmar. Puissant chef de la confédération tribale des Hashed, il dispose d’une grande autorité sur la moitié du Nord et de l’appui de Riyad. Il s’oppose à l’union avec le Yémen du Sud et entretient des rapports conflictuels avec le pouvoir central, sous la présidence d’Al Hamdi (1974-1977).

Ne pouvant neutraliser le pouvoir de ce chef de tribu, un Etat dans l’Etat capable de mobiliser des milliers d’hommes en armes, le président Saleh préfère l’associer au pouvoir. Il l’intègre à la direction du pays au sein d’un Conseil consultatif créé en mai 1979, le nomme en août 1982 à la commission permanente du CPG et facilite son accession à la présidence de l’Assemblée nationale. Mais dans ce jeu d’alliances, le président Saleh favorise la tribu Sanhan de la confédération Hashid, principalement son clan, les Afaash. Sans les révoltes de 2011, Saleh serait resté au pouvoir à vie. 

http://www.elwatan.com/international/l-echec-de-riyad-27-03-2016-317479_112.php

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