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11 février 2017 6 11 /02 /février /2017 06:54

Colonies israéliennes en Cisjordanie : la nouvelle loi est une « rupture historique »

 

Le correspondant du « Monde » à Jérusalem, Piotr Smolar, détaille les implications capitales du vote par les députés israéliens d’un texte légalisant les colonies sauvages.

LE MONDE | 08.02.2017 à 19h17

 

 


La Knesset a voté, dans la nuit du 6 au 7 février, une loi autorisant l’Etat israélien à s’approprier, contre compensation, des terrains privés palestiniens en Cisjordanie sur lesquels des Israéliens ont construit sans autorisation des colonies sauvages, ou avant-postes. Piotr Smolar, correspondant du Monde à Jérusalem, a répondu mercredi 8 février aux questions des lecteurs du Monde.fr sur cette décision très controversée.
DL : Bonjour, pourriez-vous expliquer comment ça se passe concrètement, et la chronologie avant le vote qui légalisera la colonisation ?
Piotr Smolar : Il n’y a pas de vote légalisant la colonisation. De fait, elle existe depuis cinquante ans, et elle est justifiée, encadrée, promue par un ensemble de textes. Il y a aujourd’hui en Cisjordanie près de 400 000 colons, un chiffre en pleine hausse.


Depuis 1967, les territoires palestiniens (moins la bande de Gaza depuis le retrait des Israéliens, en 2005) se trouvent soumis à la loi militaire israélienne, même si officiellement la zone A relève exclusivement de l’Autorité palestinienne (AP). C’est l’Administration civile (Cogat, qui dépend du ministère de la défense israélien) qui décide en matière d’autorisations de construction.
La loi votée lundi marque une rupture historique, car, pour la première fois, les députés israéliens s’accordent le droit de légiférer sur des terres situées en dehors d’Israël – même si bien entendu, en l’absence de règlement négocié avec les Palestiniens ou d’annexion pure et simple, cette frontière n’est pas clairement définie. Cette loi ouvre donc la voie à d’autres initiatives, voulues par la droite nationale religieuse, comme par exemple l’annexion de Maale Adumim, l’une des plus grandes colonies israéliennes, près de Jérusalem.
Lire aussi : Expropriation de terres palestiniennes : l’ONU condamne la nouvelle loi israélienne 
Barbapapa : Etant donné que le démantèlement des colonies et le retour des terres prises aux Palestiniens a toujours été un point sur lequel les deux parties n’ont jamais pu être d’accord, est-ce que cette loi ne met pas fin définitivement à tout espoir de paix ?
Bonne question. Derrière les communiqués des chancelleries occidentales (à l’image de celui diffusé au terme de la conférence de Paris, au début de janvier) se dessine un pessimisme généralisé. Tout le monde voit bien que la « solution à deux Etats », selon l’expression consacrée par les accords d’Oslo de 1993, paraît de plus en plus compromise.
Benyamin Nétanyahou, qui s’épanouit toujours dans l’ambiguïté, continue de prétendre publiquement qu’il est favorable à un Etat palestinien démilitarisé, qui reconnaisse Israël comme Etat juif. Mais ces mots sont vidés de leur sens par ses actions, par ses renoncements. Le projet de loi sur les avant-postes aurait pu être bloqué à un stade initial, mais le premier ministre ne l’a pas voulu. Notamment parce qu’il est obsédé par l’idée de ne pas perdre les faveurs de l’électorat des colons, très organisé et mobilisé.
Se1ng4lt : Peut-il exister un recours juridique d’ordre constitutionnel ? Existe-t-il des mouvements qui s’organisent sur place ? Des manifestations côté israélien ?
Nous allons entrer dans une phase judiciaire capitale. Deux ONG, Adalah et le Centre d’aide légale et des droits de l’homme de Jérusalem, sont les premières à avoir saisi la Haute Cour de justice afin de demander la censure de cette loi. Le procureur général a déjà fait savoir qu’il refusait de défendre le gouvernement à l’audience, chose rare. Il explique depuis plusieurs mois, comme l’avait aussi fait le premier ministre avant de changer d’avis, que cette législation pourrait accélérer ou donner lieu à des procédures devant la justice internationale contre les responsables politiques et militaires israéliens.
Mais la Haute Cour se trouve sous une pression considérable de la part de la droite nationale religieuse, qui pousse dans le sens d’une annexion de la Cisjordanie, ou tout du moins de la zone C (60 % du territoire palestinien). Plusieurs députés, comme Bezalel Smotrich (de la formation Foyer juif) envisagent une nouvelle initiative parlementaire pour surmonter une éventuelle censure et rétablir la loi. Il s’agit donc aussi d’un bras de fer entre pouvoir législatif et exécutif d’un côté, et judiciaire de l’autre.

Pseudo404 : Comment l’opinion et des médias israéliens réagissent-ils à cette loi ?
L’opinion est très partagée. La seconde Intifada, au début des années 2000, a laissé un traumatisme collectif immense. Les cycles de négociations avec les Palestiniens, qui ont tous échoué, ont ensuite imprimé l’idée qu’il n’y avait pas d’interlocuteur sérieux, en face, avec qui discuter. En revanche, la question de l’annexion pure et simple de la Cisjordanie est loin de faire l’objet d’une approbation générale. Le prix à payer, en termes d’équilibre démographique, de budget, d’attentats, serait énorme.
L’opposition, et notamment le Parti travailliste, est inaudible, mais c’est déjà le cas depuis de longues années. Il existe un carré humaniste attaché à un Israël démocratique, tolérant et ouvert, incarné par des ONG et quelques médias comme le quotidien Haaretz. Mais ces voix ont tendance à dialoguer entre elles, à se lamenter de l’évolution de la société israélienne sans être capables de développer une vision, un programme majoritaire, sans parvenir à convaincre les très nombreux citoyens pessimistes mais pas idéologues.
Il est impressionnant de constater à quel point le camp national religieux, qui représente une minorité, domine sur le plan idéologique, en imposant sa vision, sa narration, à la fois sur le passé d’Israël et sur son futur. Y compris au détriment de la droite traditionnelle, du « canal historique » du Likoud. Une grande partie des députés de cette grande formation votent aujourd’hui main dans la main, sur les textes les plus sulfureux, avec leurs collègues du Foyer juif.
Curieux : Quelles possibilités aurait un successeur de Nétanyahou pour effectuer une « marche arrière » du processus de colonisation ?
La question n’est pas d’effectuer une marche arrière. Dans le scénario le plus optimiste, aujourd’hui bien improbable, il s’agirait d’appuyer sur le bouton « pause » pour arrêter le développement des colonies, surtout celles situées au-delà de la ligne verte [les frontières internationalement reconnues d’Israël]. Il existe un consensus général parmi les experts pour estimer que le démantèlement complet des colonies n’arrivera jamais.
Dans l’hypothèse d’un règlement négocié du conflit avec les Palestiniens, les fameux « blocs de colonies », comme Ariel ou le Goush Etzion, reviendraient très certainement à Israël. Le problème aujourd’hui réside dans l’immobilité diplomatique d’un côté, avec l’échec du dernier cycle de négociations parrainé par John Kerry [alors secrétaire d’Etat américain] au printemps 2014, et de l’autre, le grignotage continu des terres palestiniennes. La disparition de toute continuité territoriale sur le terrain, qui s’ajoute à la division entre la Cisjordanie et la bande de Gaza, signifierait la mort de la solution à deux Etats.

 

TL : La situation, notamment sécuritaire, en Israël risque-t-elle de se dégrader à la suite de ce vote ?
Faire des pronostics dans ce domaine n’a aucun sens. Je peux seulement partager avec vous les appréciations des hauts gradés de l’armée israélienne : ceux-ci notent une nette décrue des violences palestiniennes au cours de l’année 2016, après une fin 2015 terrible et une multiplication des attaques au couteau ou à la voiture bélier, menées pour la plupart par des individus isolés, sans attaches à une structure.
L’armée israélienne note aussi, à juste titre, l’énorme niveau d’exaspération des Palestiniens contre leurs propres dirigeants. Mahmoud Abbas est dans sa douzième année au pouvoir. Le système politique est atrophié, usé, ankylosé. Le niveau de corruption est élevé. Dans ces conditions, l’une des hypothèses que retient l’armée israélienne est une explosion de la rue palestinienne contre l’Autorité palestinienne. On voit déjà de nombreux affrontements et incidents dans les camps de réfugiés en Cisjordanie, à Ramallah ou à Naplouse, contre les policiers palestiniens. Et le cinquantième anniversaire de l’occupation [la guerre de Six-Jours, du 5 au 10 juin 1967], en juin, provoquera forcément un regain d’attention autour du sort réservé au peuple palestinien.
Lire aussi : Dans la bande de Gaza, le Hamas confronté à l’usure du pouvoir 


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Suite du dialogue dans le texte suivant


http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2017/02/08/colonies-israeliennes-en-cisjordanie-la-nouvelle-loi-est-une-rupture-historique_5076752_3218.html#WZpcZcsg2tqyvqjv.99

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