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4 mars 2012 7 04 /03 /mars /2012 00:40

 


Interview de John Dugard, ancien rap­porteur spécial pour les droits humains en Palestine, à propos de l’apartheid

Bitter Lemons, jeudi 1er mars 2012


Bitter Lemons : Vous avez écrit récemment que, bien qu’il y ait des dif­fé­rences entre les pra­tiques d’Israël et celles de l’Afrique du Sud de l’apartheid (à savoir que les Noirs avaient la citoyenneté), il y a des simi­la­rités dans les domaines de la dis­cri­mi­nation, la répression et la frag­men­tation ter­ri­to­riale. Pourriez-​​vous expli­citer briè­vement ces trois domaines de similitude ?
Dugard : Je pense que, quand on compare la situation en Afrique du Sud et la situation dans le ter­ri­toire pales­tinien occupé, il faut consi­dérer deux pers­pec­tives dif­fé­rentes. D’abord, il y a la simi­litude entre les deux sys­tèmes ou régimes et ensuite la question de savoir si le système en vigueur dans le ter­ri­toire pales­tinien occupé relève de la convention des Nations-​​unies sur l’apartheid. Les deux pro­blèmes sont liés, mais je pense qu’il est utile de les traiter séparément.


S’il m’est permis de com­mencer par le premier de ces deux aspects, je pense qu’il est clair qu’il y a des carac­té­ris­tiques simi­laires, en ce sens qu’il y a dis­cri­mi­nation, répression et frag­men­tation ter­ri­to­riale dans le ter­ri­toire pales­tinien. Il y a, bien sûr, la contro­verse quant au mot "race" mais, en gros, on peut consi­dérer que c’est comme si Pales­ti­niens et Juifs rele­vaient de deux races dif­fé­rentes. Une fois écarté ce pro­blème, il est clair qu’il y a dis­cri­mi­nation à l’encontre des Pales­ti­niens et à l’avantage des colons. Les colons sont l’équivalent grosso modo des Sud-​​Africains blancs, en ce sens qu’ils consti­tuent le groupe dominant.


Pour ce qui est de la répression, il y a des lois sécu­ri­taires qui sont simi­laires. En Afrique du Sud, il y avait des lois qui auto­ri­saient la torture et il y a également des allé­ga­tions sérieuses de torture dans le ter­ri­toire pales­tinien occupé. Sur la question de la frag­men­tation ter­ri­to­riale, en Afrique du Sud, nous avions la poli­tique des ban­toustans qui tendait à séparer le pays ter­ri­to­ria­lement. Dans le ter­ri­toire pales­tinien occupé, le mur, les colonies, les zones mili­taires consti­tuent la frag­men­tation ter­ri­to­riale et vous voyez, sous vos yeux, le ter­ri­toire pales­tinien être découpé.


Pra­ti­quement tout Sud-​​Africain qui va en Cis­jor­danie et à Gaza est frappé par les simi­li­tudes. Nous avons tous une impression de déjà vu. Je parle surtout de Sud-​​Africains noirs, comme l’archevêque Desmond Tutu et d’autres, qui ont fait état, de manière répétée, du fait que, à leurs yeux, la situation dans le ter­ri­toire pales­tinien occupé est, à bien des égards, pire que l’apartheid.


B.L. : Que répondez-​​vous à ceux qui (comme le juge Richard Gold­stone) vous cri­tiquent en disant que cette com­pa­raison est absurde ?
Dugard : Je ne suis pas tel­lement gêné par les com­men­taires de Richard Gold­stone dans le New York Times quand il dit que la com­pa­raison entre l’apartheid et ce qui se passe dans le ter­ri­toire pales­tinien occupé est dif­fa­ma­toire et faux. Ce que je trouve très inté­ressant, au contraire, quand on examine le pré­tendu rapport Gold­stone et, en par­ti­culier, le cha­pitre sur la Cis­jor­danie, c’est que, s’il n’utilise pas le mot "apar­theid", la cri­tique qu’il fait du système qui prévaut en Cis­jor­danie, en fait, le carac­térise comme une forme d’apartheid. Je trouve quelque peu bizarre qu’il nous dise que c’est "dif­fa­ma­toire" alors que son propre rapport lui-​​même confirme, dans une large mesure, que le système qui prévaut dans le ter­ri­toire pales­tinien occupé est une forme d’apartheid.


B.L. : Est-​​ce que le système en vigueur dans les ter­ri­toires occupés cor­respond à la défi­nition onu­sienne de l’ "apartheid" ?
Dugard : La convention sur l’apartheid dresse la liste d’un certain nombre d’ "actes inhu­mains" et les Forces de Défense d’Israël com­mettent effec­ti­vement bon nombre de ces "actes inhu­mains" dans le ter­ri­toire pales­tinien. Il y a des assas­sinats arbi­traires qu’on appelle ici "assas­sinats ciblés". Il y a la détention admi­nis­trative sans jugement et des actes inhu­mains du genre de ceux qui sont effec­ti­vement men­tionnés dans la convention sur l’apartheid. Et encore faut-​​il qu’un tel acte soit per­pétré avec l’objectif délibéré de per­pétuer la domi­nation d’un groupe sur un autre pour qu’il y ait apar­theid. Là aussi, je pense qu’on peut dire sans se tromper que la finalité de ces actes inhu­mains est bien de per­pétuer la domi­nation des colons dans le ter­ri­toire palestinien.


B.L. : Pour quelles raisons pensez-​​vous que cette com­pa­raison spé­cu­lative est consi­dérée comme aussi "hors sujet" dans la dis­cussion habi­tuelle de la situation dans les ter­ri­toires occupés ?
Dugard : Je ne pense pas que ce soit très réfléchi. Je pense que les deux sys­tèmes sont à ce point simi­laires qu’il est important de mettre en avant ces simi­la­rités, par­ti­cu­liè­rement au vu du fait que l’apartheid a été clai­rement condamné par la com­mu­nauté inter­na­tionale et qu’il y a eu des réac­tions contre le régime d’apartheid. Je pense que la raison pour laquelle on résiste si fort en Israël contre cette com­pa­raison, c’est jus­tement parce qu’on redoute que le genre d’action avec lequel on a sévi contre le régime de l’apartheid soit utilisé à l’encontre d’Israël pour ce qu’il fait dans les ter­ri­toires occupés. Je pense, en der­nière analyse, que la cri­tique que je formule à l’égard d’Israël vise surtout la position des colons. Je suis conscient que cer­tains disent que les pra­tiques d’Israël à l’intérieur de ses fron­tières consti­tuent déjà une forme d’apartheid. J’ai per­son­nel­lement de sérieux doutes à ce sujet.


L’autre facteur important, c’est que l’installation de colons dans les ter­ri­toires occupés peut être reconnue comme une forme de colo­nia­lisme. Or, le colo­nia­lisme est, lui aussi, rédhi­bi­toi­rement inac­cep­table pour la com­mu­nauté inter­na­tionale. De sorte qu’on a, pour finir, deux sys­tèmes qui ont, tous les deux, fait l’objet d’une condam­nation de la part de la com­mu­nauté inter­na­tionale : l’apartheid et le colonialisme.
Mais la com­mu­nauté inter­na­tionale ne réagit pas de la même façon qu’elle l’avait fait pour l’Afrique du Sud.


B. L. : Quelle sera, d’après vous, la pro­chaine étape pour ceux qui pré­co­nisent des stra­tégies de pour­suites judi­ciaires et d’appel à l’opinion publique contre ces pratiques ?
Dugard : Je pense qu’il est important d’essayer de faire de la péda­gogie en direction de l’opinion publique, par­ti­cu­liè­rement aux Etats-​​Unis et en Europe, pour amener les gens à voir ces simi­li­tudes. Et je pense, en outre, qu’il serait par­ti­cu­liè­rement important que les Israé­liens eux-​​mêmes prennent conscience de ces simi­li­tudes. Je sais que des Israé­liens de premier plan ont déjà établi la com­pa­raison, mais cela ne semble pas avoir affecté jusqu’ici l’opinion publique en général en Israël.


Je pense que ce qui est important, c’est un pro­cessus péda­go­gique. Je ne veux pas entrer dans le détail du pro­gramme d’action (B.D.S.). Je crois en voir l’intérêt mais j’ai par ailleurs des doutes sur d’autres aspects.
John Dugard est un pro­fesseur de droit inter­na­tional, auteur d’une étude com­plète de la loi d’apartheid et a été pendant sept ans, le rap­porteur spécial des Nations unies au Conseil des droits de l’homme sur la situation des droits humains dans les ter­ri­toires pales­ti­niens occupés.
Traduit de l’anglais par Philippe Daumas.

 


 

http://www.france-palestine.org/Interview-de-John-Dugard-ancien

Soutien « sacro-​​saint » des Etats-​​Unis à la sécurité d’Israël, affirme Obama

AFP, vendredi 2 mars 2012

Le pré­sident Barack Obama a qua­lifié jeudi le soutien des Etats-​​Unis à Israël de « sacro-​​saint » et évoqué la nécessité d’aider ce pays à main­tenir sa « supé­riorité mili­taire », quatre jours avant de recevoir le Premier ministre Ben­jamin Neta­nyahu sur fond de ten­sions avec l’Iran.


Barack Obama, qui par­ti­cipait à New York à une réunion de levée de fonds pour sa cam­pagne en vue de la pré­si­den­tielle du 6 novembre, a men­tionné face à ses sou­tiens les chan­ge­ments géo­po­li­tiques induits par les révoltes popu­laires dans le monde arabo-​​musulman depuis début 2011.


« L’un de nos objectifs à long terme dans cette région est de faire en sorte que l’engagement sacro-​​saint que nous avons vis-​​à-​​vis de la sécurité d’Israël ne se tra­duise pas seulement en lui four­nissant les capa­cités mili­taires dont il a besoin, pas seulement en lui per­mettant le genre de supé­riorité mili­taire néces­saire dans une région très dan­ge­reuse », a-​​t-​​il noté. « Essayer de lancer une paix qui puisse être durable dans la région »


Les Etats-​​Unis doivent aussi coopérer avec Israël « pour essayer de lancer une paix qui puisse être durable dans la région. Et c’est dif­ficile », a noté Barack Obama, dont toutes les ten­ta­tives de relancer le pro­cessus de paix israélo-​​palestinien ont échoué malgré la priorité donnée à ce dossier dès le début de son mandat en janvier 2009. Ce dossier est tou­tefois passé au second plan ces der­niers mois alors qu’Israël souffle le chaud et le froid sur une attaque pré­ventive contre le pro­gramme nucléaire iranien, dont l’Etat hébreu se dit per­suadé qu’il est à visée mili­taire malgré les déné­ga­tions de Téhéran.


Ben­jamin Neta­nyahou, qui doit ren­contrer Barack Obama lundi, a déclaré cette semaine que le dossier iranien serait le « prin­cipal sujet » de ses entre­tiens avec le pré­sident amé­ricain. « L’Iran continue à avancer rapi­dement et avec arro­gance dans son pro­gramme nucléaire, en méprisant tota­lement les déci­sions de la com­mu­nauté inter­na­tionale », a prévenu le Premier ministre israélien, qui assure régu­liè­rement se réserver « toutes les options » face à cette menace.


Washington affirme aussi que « toutes les options sont sur la table » face à l’Iran mais estime que le régime isla­mique n’a pas entrepris de construire une arme nucléaire. « Donc, nous avons du temps et de la latitude pour continuer la poli­tique que nous avons appliquée depuis que le pré­sident a pris ses fonc­tions », a déclaré mer­credi le porte-​​parole de la Maison Blanche, Jay Carney, allusion au régime de sanc­tions inter­na­tio­nales imposées au régime. Toute action contre l’Iran créerait « davantage d’instabilité »


Il a également prévenu que toute action contre l’Iran créerait « davantage d’instabilité ». « L’Iran est à la fois limi­trophe de l’Afghanistan et de l’Irak. Nous avons du per­sonnel civil en poste en Irak, nous avons des soldats et des civils en Afgha­nistan », a-​​t-​​il remarqué. « Il y a toutes sortes de consé­quences poten­tielles à davantage d’activités mili­taires dans la région et en par­ti­culier en Iran », a sou­ligné le porte-​​parole.

Barack Obama, lors d’une autre réunion de levée de fonds à New York en soirée, a été inter­pellé au sujet du dossier iranien. « Exercez votre influence ! Pas de guerre en Iran ! », a lancé une jeune femme dans le public. Barack Obama a répondu à la volée : « Per­sonne n’a déclaré la guerre, made­moi­selle. Vous allez un peu vite en besogne. »


http://www.france-palestine.org/Soutien-sacro-saint-des-Etats-Unis

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