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L’homme et son Uzi (1)
dimanche 21 octobre 2012
C’était ce jeune Israélien qu’avaient capturé des cannibales. Ils le mirent dans le chaudron et s’apprêtaient à allumer le feu lorsqu’il exprima un dernier souhait : “S’il vous plaît, giflez moi !”
Lorsque le chef cannibale s’exécuta, l’Israélien bondit, braqua son Uzi et faucha ses ravisseurs.
“Si tu avais l’Uzi tout le temps, pourquoi ne t’en es-tu pas servi avant ?” lui a-ton demandé.
“Je ne peux pas faire ça si je ne suis pas en colère,” a-t-il répondu.
Le débat de BARACK OBAMA me remet en mémoire cette plaisanterie. Lors de la première confrontation il était apathique et mou. Il désirait juste voir la fin de cette chose idiote.
Au cours du second débat c’était un autre homme. Énergique. Agressif. Décidé. Bref : en colère.
Lorsque la confrontation a débuté il était 3 h du matin en Israël. J’aurais pu l’enregistrer pour la visionner plus tard. Mais j’étais incapable d’attendre. Ma curiosité l’a emporté.
Bien sûr, toute cette prestation est idiote. Il n’y a vraiment aucun rapport entre le talent de débatteur et l’aptitude à diriger une nation. Vous pouvez être un polémiste hors pair et vous montrer incapable de mener une politique raisonnable. Il suffit aux Israéliens de regarder Benjamin Nétanyahou. Vous pouvez être un dirigeant qui sait ce qu’il veut et vous montrer totalement incapable de vous exprimer. Yitzhak Rabin par exemple.
Pourtant des Américains tiennent à ce que leurs dirigeants fassent la preuve de leur capacité de débatteurs comme une condition pour se faire élire. Cela me rappelle un peu l’un des combats singuliers de l’antiquité où chaque parti choisissait un champion puis les deux essayaient de tuer l’autre, au lieu d’une hécatombe mutuelle. David et Goliath viennent à l’esprit. C’est certainement plus humain.
CES ASSAUTS D’ÉLOQUENCE ne visaient pas la masse des électeurs. Comme on l’a dit précédemment, ils s’adressaient aux “indécis”, une classe particulière de gens. La qualification est supposée faire une sorte de distinction. Pour moi cela représente davantage une expression de mépris. Si vous n’avez pas encore fait votre choix trois semaines avant que le gong ne résonne, y-a-t-il lieu de se vanter ?
À ce stade du jeu, les deux candidats doivent se montrer très attentifs à n’agresser personne. Ce qui signifie, naturellement, qu’ils ne peuvent pas se permettre de présenter sur quoi que ce soit une position claire, tranchée, sauf sur la maternité et la tarte aux pommes – ou, en Israël, sur le sionisme et les boulettes de poisson.
Vous devez faire attention à toute idée nouvelle. À Dieu ne plaise. Les nouvelles idées suscitent des ennemis. Vous pouvez séduire de nouveaux électeurs, mais il est très probable que vous allez en éloigner beaucoup plus. L’astuce consiste à exprimer des généralités avec vigueur.
Le port d’arme, par exemple. Les armes tuent. De façon tout à fait confidentielle, je pourrais vous révéler que c’est dans ce but même que les armes sont produites. Puisque vous ne risquez pas d’être kidnappés par des cannibales, pourquoi, pour l’amour de Dieu, garder un Uzi dans votre placard ? Pour éloigner les Méchants Indiens ?
Pourtant même Obama a évité le sujet. Il n’a pas osé non plus formuler une exigence absolue de mettre fin à ce fléau. On ne se frotte pas au lobby des armes. C’est presque comme le lobby pro-israélien. Mitt Romney a évoqué sa tentative de réunir les gens pro-armes et anti-armes pour élaborer un compromis. Par exemple : au lieu d’avoir dix enfants par an qui tirent sur leurs condisciples avec des fusils d’assaut, n’en avoir que cinq.
JE DOIS admettre que je n’ai pas tout à fait compris l’âpre querelle à propos de l’incident de Benghazi. Peut-être faut-il un esprit américain pour la comprendre. Ma tête israélienne primitive n’en est tout simplement pas capable.
S’agissait-il d’une simple attaque terroriste ou les terroristes ont-ils utilisé un rassemblement de protestation comme couverture ? Pourquoi diable cela a-t-il de l’importance ? Pourquoi le Président se serait-il préoccupé de falsifier le tableau de telle ou telle façon ? Les Israéliens savent depuis longtemps qu’après une tentative de sauvetage mal préparée, les services de sécurité mentent toujours. C’est dans leur nature. Aucun président ne peut changer cela.
L’idée qu’un pays peut protéger ses centaines d’ambassades et de consulats dans le monde contre tous les types d’attaques possibles est puérile. En particulier si vous rogner son budget de sécurité.
En dehors de ces questions particulières, les deux candidats ont parlé de généralités. Fore chéri, fore ! (2) Mais n’oublie pas le soleil et le vent. Les jeunes doivent pouvoir accéder à l’enseignement supérieur. Puis bénéficier ensuite d’un emploi bien rémunéré. On doit montrer aux Chinois sournois qui est le patron. Le chômage est mauvais et devrait être aboli. Les classes moyennes doivent être protégées.
Il semblerait que les classes moyennes (aux États-Unis comme en Israël) représentent la totalité de la population. On peut se demander de quoi elles sont la moyenne. On a de la peine à entendre parler de quelqu’un plus bas ou plus haut dans l’échelle.
Bref, les deux candidats ont beaucoup insisté sur les énormes différences entre eux, mais ont montré une similitude suspecte.
À PART leur couleur de peau, bien sûr. Mais osons nous en faire état ? Pas si nous voulons être politiquement corrects. Le fait le plus évident de la campagne en est aussi le secret le plus profond.
Je ne peux pas le prouver, mais mon sentiment est que la race joue un rôle beaucoup plus important dans ces élections que quiconque soit prêt à admettre.
Dans les débats présidentiels, on ne peut éluder le fait que l’un des candidats est blanc et que l’autre est noir. L’un est un WASP (les Mormons sont-il protestants ?), l’autre est à moitié noir. La différence est encore plus frappante avec les deux épouses. On ne saurait être plus blanche que Ann, ou plus noire que Michelle.
Ne pas mentionner ces faits ne les fait pas disparaître. Ils sont là. Ils jouent certainement un rôle dans l’esprit de beaucoup de gens, de façon peut-être inconsciente.
On peut seulement s’émerveiller que, d’abord, Barack Hussein Obama ait été élu. Cela fait apparaître le peuple américain sous le meilleur jour. Mais cela va-t-il se reproduire cette fois ? Je ne sais pas.
DÈS le début, j’ai senti qu’Obama allait l’emporter dans ce débat. Et il l’a emporté.
Dans un article précédent, j’ai dit que j’avais beaucoup de doutes concernant Obama. Un lecteur furieux m’a demandé quels étaient ces doutes. Eh bien, Obama a cédé au programme anti-paix de Nétanyahou. Après quelques modestes tentatives pour amener Nétanyahou à interrompre la construction de colonies, Obama s’est tu.
Obama doit assumer sa part de responsabilité dans le gaspillage de quatre années précieuses, au cours desquelles des dommages graves, peut-être irréversibles, ont été causés à la paix israélo-palestinienne. Des colonies ont été développées à un rythme effréné, l’occupation s’est enracinée encore plus profondément, la solution à deux États – la seule qui existe – a été sérieusement compromise.
Le Printemps arabe, qui aurait pu si facilement constituer un nouveau départ pour la paix au Moyen Orient a été gâché. L’initiative de paix arabe, qui était sur la table depuis des années, est toujours là, comme une fleur fanée.
L’inertie américaine sur ce problème a approfondi le désespoir des forces de paix israéliennes à la veille de nos propres élections, évacuant en même temps l’idée de paix du discours public.
D’un autre côté, Obama a empêché Nétanyahou de se lancer dans une guerre désastreuse. Il se peut qu’il ait sauvé la vie de centaines, et même de milliers d’êtres humains, israéliens et iraniens, et peut-être en fin de compte américains. Rien que pour cela, nous devons être profondément reconnaissants.
J’ESPÈRE qu’Obama va remporter les élections. Ou, plutôt, que ce ne soit pas l’autre personnage. Comme nous disons en hébreu, tiré du livre d’Esther : « Pas pour l’amour de Mordechai, mais pour la haine de Haman ».
(Je suis tenté de citer une nouvelle fois la vieille plaisanterie juive sur le riche avare du shtetl, dont personne ne voulait prononcer l’éloge funèbre comme cela devait se faire lors de sa mort. À la fin, quelqu’un s’est levé pour dire : “Nous savons tous qu’il était mesquin, vicieux et avare, mais comparé à son fils c’était un ange.”)
C’est, naturellement, une énorme exagération. J’ai beaucoup de réelle sympathie pour Obama. Je pense qu’il est fondamentalement honnête et que ses intentions sont bonnes. Je souhaite sa réélection, et pas seulement parce que son concurrent est tellement inquiétant.
SI OBAMA est élu, à quoi ressemblera son second mandat, pour ce qui nous concerne ?
Il y a toujours le vague espoir qu’un président, au cours de son second mandat, soit moins soumis au lobby “pro-Israël” – qui est en réalité un lobby anti-Israël nous conduisant vers un désastre national.
Après sa réélection, le président du second mandat sera débarrassé de son souci concernant le lobby, ses électeurs et son argent. Pas tout à fait, bien sûr. Il faudra encore qu’il se préoccupe des élections de mi-mandat au Congrès et du sort de son parti pour les prochaines élections présidentielles.
Cependant, il aura beaucoup plus de liberté de manœuvre. Il sera en mesure de faire beaucoup plus pour la paix et pour modifier le visage du Moyen Orient.
Comme disent nos cousins arabes : Inch Allah – Si Dieu le veut.
(1) NDT : L’Uzi est le fusil qui équipe les militaires israéliens.
(2) NDT : La phrase anglaise « Drill, baby, drill ! », qui peut être traduite en français par « Fore, chéri, fore ! », est un slogan de campagne du parti républicain pendant l’élection présidentielle de 2008 aux États-Unis. Ce slogan exprime le soutien de ce parti à l’intensification des forages pétroliers en vue d’augmenter les ressources en énergie. (Wikipedia)