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24 juillet 2014 4 24 /07 /juillet /2014 01:50
Israël-Palestine : le 
renoncement 
diplomatique français

LE MONDE | 22.07.2014 à 11h09 |Par Benjamin Barthe

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Laurent Fabius, le 19 juin à Paris.

 

Analyse. La venue de Laurent Fabius au Proche-Orient, vendredi 18 et samedi 19 juillet, n'a pas retenu l'attention du Hamas et d'Israël. Non seulement les deux protagonistes de la guerre de Gaza ont ignoré les appels au cessez-le-feu du ministre des affaires étrangères français, mais sitôt celui-ci reparti pour la France, l'offensive israélienne a redoublé de violence. Avec 99 morts palestiniens, en majorité civils, et 13 soldats israéliens tués, la journée de dimanche a même été la plus sanglante depuis le début du conflit, il y a treize jours.

Pas de quoi cependant infléchir la position française dans cette crise. Depuis Paris, M. Fabius n'a pas eu un mot pour les damnés de Chadjaiya, le quartier de Gaza réduit en cendres par l'armée israélienne, où les secouristes ont relevé les corps d'une soixantaine de personnes, dont 17 enfants, 14 femmes et 4 personnes âgées. Dans sa première intervention, le 8 juillet, François Hollande avait lui-même passé sous silence la mort de dizaines de civils palestiniens, préférant insister sur le droit d'Israël à se défendre contre les tirs de roquettes du Hamas, qui n'avaient alors fait aucune victime. Rédigé peu ou prou sous la dictée du premier ministre israélien, Benyamin Nétanyahou, ce communiqué reflète l'empathie qu'éprouve M. Hollande pour l'Etat hébreu. Il trahit des affinités personnelles, souligne la tonalité plutôt pro-israélienne de la communication des autorités dans la crise, encore démontrée par l'absence de réaction publique au bombardement du domicile du chef de l'antenne consulaire à Gaza, mais il ne signale pas un tournant de fond.

La France a renoncé a faire entendre une voix dif­fé­rente de celle des Etats-​​Unis

Aucun des prin­cipes tra­di­tion­nel­lement défendus par Paris sur ce dossier – notamment l’attachement à la création d’un Etat pales­tinien sur les ter­ri­toires de 1967 avec Jérusalem-​​Est pour capitale – ne semble devoir être remis en cause, du moins à brève échéance. En privé, les diplo­mates français ne se privent pas pour cri­tiquer M. Néta­nyahou et sou­ligner combien sa poli­tique nuit à la recherche de la paix.

Ce qui s’exprime dans la fri­losité de leurs réac­tions, c’est une forme de rési­gnation. Comme si la France avait renoncé à faire entendre une voix dif­fé­rente de celle des Etats-​​Unis, comme si elle avait renoncé à obtenir la mise en oeuvre de ses prin­cipes, réduits chaque jour un peu plus à l’état de for­mules incan­ta­toires. Dans les années 1980, par la décla­ration euro­péenne de Venise – pre­mière recon­nais­sance du droit à l’autodétermination des Pales­ti­niens –, le dis­cours de François Mit­terrand à la Knesset – premier appel à la création d’un Etat pales­tinien, en 1982 – ou encore le sau­vetage de Yasser Arafat à Bey­routh (1982), Paris avait mani­festé son auto­nomie diplo­ma­tique et permis d’avancer vers la satis­faction des droits nationaux des Palestiniens.

Cette ambition avait per­sisté par inter­mit­tence sous Jacques Chirac. Comme premier ministre – son coup de sang à Jéru­salem, en 1996, contre les troupes d’occupation israé­liennes – puis comme pré­sident – son refus de boy­cotter Yasser Arafat pendant la deuxième Intifada –, il avait imposé sa marque sur la question israélo-​​palestinienne. La fin de son second mandat a amorcé un repli, qui s’est pour­suivi sous Nicolas Sarkozy, en dépit de quelques sur­sauts, et se confirme depuis 2012 avec M. Hollande.

La même petite musique

C’est une petite musique que les visi­teurs de l’Elysée connaissent bien : « On n’a aucune marge de manoeuvre », y dit-​​on. Un dis­cours de l’impuissance, jus­tifié par toute une série de consi­dé­ra­tions : des lour­deurs de fonc­tion­nement de l’Union euro­péenne – « Impos­sible d’impulser une diplo­matie auda­cieuse à 28 » – à la droi­ti­sation du champ poli­tique israélien – « Néta­nyahou est au centre, il est incon­tour­nable » –, en passant par les vingt années de sur­place du pro­cessus de paix – « On a tout essayé ».

Le chan­gement de ton vient aussi du fait que plu­sieurs diplo­mates ara­bi­sants ont quitté récemment les cercles du pouvoir. Nommés en ambassade, ils ont été rem­placés par de hauts fonc­tion­naires, moins rompus qu’eux aux chausse-​​trappes du conflit.

La France, contrai­rement à ce qu’elle laisse entendre, ne manque pas de leviers d’action. A son ins­ti­gation, au début de l’été, les prin­cipaux pays euro­péens ont décon­seillé à leurs hommes d’affaires d’investir dans les implan­ta­tions juives de Cis­jor­danie, illé­gales au regard du droit inter­na­tional. Une ini­tiative louable, mais dont l’impact risque d’être négli­geable, dans la mesure où il s’agit d’un simple aver­tis­sement et non d’une inter­diction en bonne et due forme.

Une autre carte consis­terait à sou­tenir le projet du pré­sident pales­tinien, Mahmoud Abbas, visant à faire entrer la Palestine à la Cour pénale inter­na­tionale (CPI). L’épée de Damoclès des pour­suites devant la CPIpourrait avoir un effet modé­rateur bienvenu sur la coa­lition au pouvoir en Israël.

Une autre piste consis­terait à entamer un dia­logue sous condi­tions avec le Hamas. Après tout, les rebelles syriens aux­quels Paris livre du matériel ne sont pas moins « radicaux » que les isla­mistes de Gaza. De telles ini­tia­tives déclen­che­raient une levée de bou­cliers en Israël et des fric­tions avec Washington. C’est le prix à payer pour redonner de la voix à la France au Proche-​​Orient. En refusant de bous­culer ses alliés, Paris se condamne à l’impuissance.




 

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