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8 août 2014 5 08 /08 /août /2014 01:40
Rassemblement pour la paix Israël - Palestine: les médias ont-ils bien fait leur travail ?
Publié le 06-08-2014 à 12h49 - Modifié à 14h39

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Directeur de l'IRIS

LE PLUS. Dimanche 3 août, une manifestation intitulée "Rassemblement républicain pour la paix : juifs et musulmans main dans la main" a été organisée à Paris. Plusieurs médias l'ont couverte. Mais pour Pascal Boniface, ces compte-rendus manquaient de discernement. Il s'explique.

Édité par Hélène Decommer  Auteur parrainé par Maxime Bellec

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Rassemblement pour la paix devant l'église de Saint-Germain L'Auxerrois à Paris le 03/08/14 (PIERRE ANDRIEU/AFP)

 

Le rassemblement pour la paix, organisé de façon spontanée par une jeune étudiante, Celena Azouaoui, a eu un succès médiatique important malgré le nombre très limité de participants (environ 400). Il est vrai que les bonnes nouvelles sont rares. On peut dès lors comprendre que les médias veulent les favoriser. Tout appel au dialogue est préférable aux discours haineux.

 

Mais à y regarder de plus près, cette manifestation a, au minimum, un caractère ambigu. Et les médias qui l'ont relayé sans aucun regard critique n'ont peut-être pas fait leur travail d'information du public qui ne peut pas être seulement de regarder les événements avec des lunettes roses.

 

Un certain malaise

 

Un juif et un musulman qui s'affichent ensembles, c’est rassurant. Mais cela ramène le conflit israélo-palestinien à une dimension religieuse alors qu'il est avant tout politique. Il y a de nombreux Français qui ne sont ni juifs ni musulmans et qui se sentent concernés.

 

Le caractère spontané de la manifestation s’est accompagné d'une mise en scène assez professionnelle. Les panneaux sur lesquels étaient inscrits les termes "respect", "tolérance", "fraternité", "amour" et "dialogue" étaient calibrés de façon uniforme, tous les médias informés de l'événement. Cette manifestation spontanée a travaillé comme l’aurait fait une agence de communication.

 

Il était demandé de n'apporter ni drapeau israélien, ni drapeau palestinien dans un souci d'apaisement. Aucun de ces drapeaux n’était effectivement présent. Seul flottait le drapeau français. Mais ceux qui, récemment dans d’autres manifestations, avaient porté des drapeaux israéliens étaient nombreux et ceux qui avaient porté un drapeau palestinien étaient absents. D’où un certain malaise.

 

De même, de nombreuses organisations qui ont apporté leur soutien aux actions militaires israéliennes des derniers jours étaient présentes, pas une seule organisation ayant appelé à l'arrêt des bombardements ne l'était. Le malaise s’approfondit.

 

Parmi les personnalités politiques présentes, beaucoup sont connues pour leur attachement à Israël, aucune ne l'était pour son engagement envers la cause palestinienne. Le malaise s’accroit encore. A ce stade, ce n’est pas intelligent de la part des soutiens d’Israël de s’afficher autant en force.

 

Ce manque de discrétion est gênant, même s’il n’a pas été remarqué par les médias. Il y avait des présents à cette manifestation, des gens prompts à déclencher l'accusation d'antisémitisme dès que l'on critique le gouvernement israélien, ce qui n’est certainement pas compatible avec les appels à la fraternité et un débat dépassionné en France sur le conflit du Proche-Orient.

 

Pour participer, il ne fallait pas être critique 

 

Les organisateurs disent que c’est pour répondre aux demandes de garanties de la préfecture qu’ils ont dû se tourner vers des organisations connues. En tous les cas, le MRAP, la Ligue des Droits de l’homme ou l’Union juive française pour la paix ne semblent pas avoir été contactés.

 

Bref pour participer à la manifestation il fallait accepter de ne porter aucune critique sur le gouvernement israélien. Les organisateurs pourront répliquer qu'il n'y avait pas non plus de critiques du mouvement palestinien, mais on voit bien le raisonnement sous-jacent : le conflit israélo-palestinien nous divise, il est porteur d'affrontements en France, alors il ne faut plus en parler. On reconnaît la thématique des organisations institutionnelles juives françaises qui, tout en déclarant leur solidarité inconditionnelle avec Israël, déplorent que l'on évoque trop souvent le conflit dans les médias en France.

 

L'enjeu n'est pas, fût-ce au nom de bons sentiments, de ne plus pouvoir débattre de ce conflit en France, mais d'en débattre librement de façon ouverte.

 

D’ailleurs, alors que j’avais émis un doute sur cette manifestation sur les réseaux sociaux hier, l’une des organisatrices répliquait sur mon mur "Et on pourra toujours compter sur Pascal Boniface pour craquer l’allumette qui mettra le feu". Les masques tombent. Outre le ton agressif à mon égard, marque habituelle des ultra pro-israéliens, on voit la philosophie de fond, vouloir évoquer le conflit c’est mettre de l’huile sur le feu.

 

Les médias ont manqué de discernement

 

Il n’y a donc eu dans cet appel pas un mot sur les bombardements de population civile, pas un mot sur le blocus de Gaza. Comme le souligne dans un billet publié sur son site, l’UJPF (non présente au rassemblement), "on n’appelle pas à la paix tant qu’on n’a pas compris et appuyé les moyens d’y parvenir."

 

S’agit-il d’une manifestation sincère et naïve qui a été détournée par des organisations militantes (l’UEJF et la Licra ont fortement appelé au rassemblement, mais de nombreux échanges sur les réseaux sociaux ont curieusement disparus), ou d’une opération cousue de fil blanc ?

 

A suivre, mais cela aurait en tous les cas exigé un peu plus qu’un accueil béat de la part des médias. Décrypter l’information au lieu de relayer des opérations de communication pourrait renforcer leur crédibilité.

 

 

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