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7 août 2013 3 07 /08 /août /2013 00:50
Que les islamistes profitent du pouvoir, ils n'y sont plus pour longtemps
Publié le 05-08-2013 à 19h46 - Modifié le 05-08-2013 à 19h46

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LE PLUS. Bien après le crépuscule de sa révolution, et après l'amère désillusion provoquée par l'accession au pouvoir des islamistes, les Tunisiens n'ont pas abandonné leurs idéaux. Taoufik Ben Brik, écrivain et journaliste, revient sur les luttes qu'il faudra mener dans un futur proche. 

Édité par Henri Rouillier 

 


L’après Ennahda, le parti islamiste au pouvoir en Tunisie, a déjà commencé. Non pas sans la Ennahda, mais sous la Ennahda. C’est un précis d’arithmétique. La greffe islamiste n’a pas réussi. Le rejet a été total. L’establishment, l’intelligentsia, les artistes, les faiseurs d’opinions, le syndicat, les étudiants, le barreau, le patronat, les agriculteurs, les universitaires, l’administration, les médias, la rue, les composantes de la société civile font bloc contre l’intrus, l’indésirable, ce corps étranger.

 

Le Front populaire au rendez-vous de l'histoire

 

 

Le dernier sit-in, déclenché juste après l’assassinat de Mohamed Brahmi, le 25 juillet 2013, fête de la République, n’est qu’une étape dans la guerre d’usure menée par les Tunisiens contre la Ennahda depuis son l’ascension le 23 octobre 2011 : 40.000 grèves dont deux grèves générales, plus de 120.000 sit-in, plus de 200.000 manifestations et autres insurrections civiles parsemées sur tout le territoire du pays, de Benguerdane au Sud à Bizerte  à l’Extrême Nord, de Sousse à l’Est à Sidi Bouzid au Centre Ouest.
 
Branle-bas du côté de l’opposition. Ils sont en train de concocter une manœuvre d’hostilité contre la Ennahda et d’entrer, dès le 6 août 2013, dans le champs de bataille en rang serré. Ils font le plein d’alliances possibles, rétrécissent au maximum le nombre des adversaires, sinon les neutralisent pour n’avoir en face qu’un seul ennemi : La Ennahda.
 
À l’avant-garde de cette redoutable formation, les treize partis du Front populaire, Nidaa Tounès, le Parti Républicain, Al Massar… En renfort, l’Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT), l’Union tunisienne de l’industrie, du commerce et de l’artisanat, la Ligue tunisienne des droits de l’homme, l’Association tunisienne des femmes démocrates, l’Union tunisienne de l’agriculture et de la pêche et la rue survoltée. Avec pour toute idée, mot d’ordre, le retour à l’État : la bête qu’on n’a pas cessé d’affamer. C’est à l’État d’imposer l’égalité et le progrès : c'est la révolution que l'on réclame depuis un certain 14 janvier 2011.

 

La Ennahda, Ben Ali déguisé 

 
En face, la Ennahda, le parti au pouvoir. Il s’est avéré être un tocard. Ses commis d’État ne savent pas faire joujou avec l’État. La justice et l’autorité leur sont étrangères. Ils perdent pied. Ils font du surplace, ils font diversion, gagnent du temps, jouent les prolongations. Ils ne se sont jamais initiés à  gérer la chose publique, la République. Ils le savent. Ils savent qu’ils sont perdants. Mais ils s’accrochent, têtus, obtus. Le dernier souffle ne vient pas. Soyons patients.
 
Dans la merde, ils y sont déjà et depuis fort longtemps. On peut s’étonner qu’ils s’y complaisent bon gré mal gré, dans l’attente hypothétique de voir arriver le fameux ascenseur de la baraka. Qu’ils y restent. Car de toute évidence, si rien n’a changé en 2012 et moins encore en 2013, dans la merde, nous y sommes. À n’en point douter. Et jusqu’au cou : assassinats politiques, lynchage public, terrorisme, police parallèle, milice, fi des lois de la République, détérioration du pouvoir d’achat, paupérisation, chômage accru, désespoir, no future.
 
Les Ennahdaouis, nous y ont précipités. Et contre vent et marrée, avec leur allié (pouvoir armé, pègre, pouvoir religieux), ils continuent d’appliquer les mêmes recettes de Ben Ali avec plus d’acharnement : profit privatisé, dette collectivisée, réduction drastiques des aides sociales, coupe sombre dans les services publics ; en mépris de la vie sous toutes ses formes.
 
Même si les effets criminels de leurs choix éclatent au grand jour, ils poursuivent toujours leur funeste marche. Et la Tunisie là dedans ? Notre projet de société démocratique s’éloigne plus vite que nous n’avançons. Et, pourtant, c’est tout sauf une fatalité. Nul ne peut ignorer l’ineptie et l’injustice des remèdes ennnahdhaouis. L’insupportable contradiction du capitalisme islamique.

 

Nous sortirons Tunis de là

 
Nous sommes plus que jamais le dos au mur, au bord du ravin. Les Ennahdaouis ont choisi la fuite en avant, ils vont presser les Tunisiens comme un citron. Nous devons faire face à des attaques de plus en plus brutales, criminelles. La lutte va se durcir. Il nous incombe de résister et de préparer une Tunisie plus humaine. Sortir de l’univers intégriste clos. Nous trouverons des alliés. À nous de multiplier les liens tous azimuts. Entre toutes les catégories de citoyens et de travailleurs avides de démocratie réelle. Les occasions ne vont pas manquer. Ça, c’est une certitude.
 
Fatigué d’attendre, Tunis lasse. Quelle alternative ? L’alliance démocratique ? Quelle succession ? Virage à l’Égyptienne ? Avec l’armée ? Sans l’armée ? Le mystère reste toujours les douze millions de Tunisiens. Il faut les désirer, les prier, gagner leur cœur puis leurs voix. Une réalité souterraine. Un gai désespoir dans les décombres et les débris. Cela va finir. Ne demandez pas comment. Tunis attend. Elle attend qu’une vague vienne la chercher, qu’une vague l’emporte.
Me reviennent les mots de Mikhaiel Boulgakov : "Mais ce n’est pas terrible. Tout passera. Les souffrances, les tourments, le sang, la faim et la peste. Le glaive disparaîtra et seules les étoiles demeureront, quand il n’y aura plus de place sur la terre de nos corps et de nos efforts. Il n’est personne au monde qui ne sache cela. C’est la leçon de Kiev, 1918…"
Tunis le sait et se tait : c’est terrible. Que Dieu nous en garde.

 


http://leplus.nouvelobs.com/contribution/917508-tunisie-que-les-islamistes-profitent-du-pouvoir-ils-n-y-sont-plus-pour-longtemps.html

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