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24 octobre 2011 1 24 /10 /octobre /2011 01:05

 


RICHESSE

par K. Selim

Il est trop tôt pour avoir une idée de la configuration politique du pays décidée par les Tunisiens, qu'ils votent ou qu'ils s'abstiennent. Mais on peut déjà constater que le scrutin s'est déroulé correctement, avec une bonne organisation et un très fort sentiment de fierté chez les voisins. Tourner la page de la dictature et aller vers une démocratie pluraliste n'est pas une sinécure. Et on peut penser que les Tunisiens, malgré des appréhensions normales, ont le moyen de le réussir.

Hier, à la mi-journée, le président de la commission électorale, Kamel Jendoubi, notait que l'affluence a dépassé «toutes les attentes» et que le taux de participation pourrait dépasser les 60%. Appréciable. Mais il est aussi significatif que l'on considère que 60% de votants est un bon score dans un pays où les élections frôlaient – comme dans tout système policier – les 100%. La Tunisie avance. «Je vote, donc j'existe». Ce n'était pas une vaine phrase chez de très nombreux Tunisiens, très excités ou enthousiastes à l'idée qu'ils sont en train d'accomplir un acte fondateur.

Cette excitation, voire allégresse, est à la mesure d'un étouffement et d'une affliction qui ont duré de très longues décennies. Ce sentiment de dignité arrachée est inestimable. Et on voudrait croire que les Tunisiens de toute obédience veilleront à ce que la sortie de la dictature soit définitive et que plus jamais ils n'en accepteront le retour, sous quelque forme que ce soit.

En attendant de décortiquer les résultats d'un vote historique qui permettront de connaître le poids des différentes forces politiques – celui d'Ennahda est particulièrement attendu –, il y a déjà quelques enseignements à tirer. Le plus important est que la compétition politique est restée dans les limites de la bienséance et n'a pas dérapé. La transition vers les élections a été réussie, y compris par les débats et les polémiques sur la manière de l'organiser. Il est difficile de ne pas comparer avec le côté chaotique, anxiogène de l'ébauche de transition en Algérie. Il y avait dans la focalisation de certains courants modernistes tunisiens une focalisation sur Ennahda qui dépassait le niveau de la compétition politique. Une sorte de volonté d'exclusion qui est une fausse réponse à un vrai problème pour tous les mouvements de gauche, au Maghreb comme dans le reste du monde arabe. Le courant islamiste en Tunisie, comme ailleurs, est en concurrence sur le territoire des classes populaires avec les mouvements de gauche ou, pour faire plus large, ceux qui défendent la justice sociale et le progrès. Ceci est un fait. Mais l'argument de l'exclusion souhaitée ne doit pas cacher que ces mouvements de gauche ont déserté les territoires populaires et qu'ils font face à une crise durable du militantisme.

 Au lieu d'aller sur le terrain idéologique des islamistes, c'est le terrain de la société et des classes populaires qu'il faut réinvestir. Les mouvements de gauche doivent réinventer le militantisme, sachant qu'il faudra faire avec les islamistes et qu'ils ne pourront être exclus par l'arbitraire et la prison, comme ce fut le cas sous Ben Ali.

Mais l'enseignement le plus fort à tirer est l'extraordinaire richesse humaine des Tunisiens. Celle-là même qu'un régime étouffait en appauvrissant le pays. Et c'est cette richesse humaine qui permettra la réussite d'une transition démocratique qui ne peut que devenir un exemple. Dans tout le monde arabe, cette réussite aura un impact fantastique. Et on ne sera pas étonné qu'après une telle réussite, le mot d'ordre, de l'Atlantique au Golfe, sera : «Nous voulons tous être des Tunisiens».


http://www.lequotidien-oran.com/?news=5159557


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