Liberté.com (Algérie) : "Tunisie : Ennahda s’empare de la révolution" par Azzeddine Bensouiah

les premières estimations donnent le parti d’el-ghannouchi vainqueur

Tunisie : Ennahda s’empare de la révolution

Par : Azzeddine Bensouiah







Les Tunisiens n’arrivent pas à croire ce qui vient de leur arriver : le ciel leur tombe sur la tête ! Ennahda s’empare de la révolution du Jasmin et rafle la majorité des voix. C’était, pourtant, prévisible, mais les Tunisiens avaient cru, jusqu’à l’ultime moment, que la centaine de partis en lice allaient atténuer l’emprise du parti d’El-Ghannouchi.

C’est le cas du Parti démocratique progressiste (PDP) où la stupeur mêlée à la déception étaient perceptibles dès l’entrée du siège qui sonne le vide, sauf quelques militants désemparés qui tentent de comprendre comment tout cela s’est produit. “Les Tunisiens ont choisi la démocratie à l’iranienne”, ironise Ziyad Houini, cadre du parti qui devrait n’obtenir qu’entre 9 et 10% des voix, lui qui tablait sur au moins 20%.

Pour ce cadre, la messe est dite, Ennahda n’aura pas grand peine à tisser des alliances avec deux ou trois formations pour avoir au minimum 75% des sièges de l’Assemblée constituante.

Au siège d’Ennahda, aux alentours de 12h, l’ambiance bat son plein. Les cadres et militants vont dans tous les sens. La presse internationale, présente en force sur les lieux, n’aura que certains indices. Les islamistes clament haut et fort qu’ils respectent l’instance suprême chargée des élections et que c’est à cette dernière d’annoncer les résultats. Devant notre insistance, un cadre du parti nous lâchera : “C’est conforme aux sondages” lesquels donnaient le parti largement vainqueur des élections. Même si les résultats officiels ne devraient pas être annoncés avant aujourd’hui mardi, on avance déjà que le parti d’El-Ghannouchi aurait obtenu 42% des sièges, suivi, de loin, du Congrès pour la république (CPR), du parti Ettakatoul (FDTL), et du Parti démocratique progressiste (PDP). Le grand perdant de ce scrutin est, sans doute, Kamal Mordjane, l’ancien chef de la diplomatie, promis à “un grand destin”, et qui aurait payé le prix d’avoir fait partie du gouvernement sous Ben Ali.

À mesure que les radios annonçaient les résultats partiels, c’est la stupeur et l’indignation qui gagnent les Tunisiens. On ne comprend pas comment, dans certaines circonscriptions électorales où personne ne soupçonnait Ennahda de pouvoir faire un quelconque score, les résultats soient complètement bouleversants. À l’image des dix sièges, sur les 18, arrachés par Ennahda, notamment en France où personne ne pariait un dinar tunisien sur elle la veille.

Il en est de même pour certaines circonscriptions électorales tunisiennes réputées être “laïques”, à l’image de Djerba où les plages étaient bondées, avec des femmes en bikini, mais où les gens ont voté quand même Ennahda. Autre grande surprise : la victoire, dans la très symbolique circonscription de Sidi-Bouzid, d’un homme d’affaires, propriétaire d’une chaîne de télévision basée à Londres par un score dépassant les 90%. Le vainqueur aurait convaincu les électeurs qu’il pouvait créer 1,2 million de postes d’emploi en deux ans.

Mais, selon bon nombre de partis politiques qui ne digèrent toujours pas la razzia d’Ennahda, le déroulement du scrutin était en faveur du parti d’El-Ghannouchi. Ils accusent ce dernier d’avoir tout manigancé. “Dans la plupart des bureaux, il y avait des gens d’Ennahda. Les cadres et les candidats ont placé leurs enfants, leurs frères. On ne s’en est rendu compte que tardivement, le jour du scrutin. Dans certains bureaux à l’étranger, on a présenté des preuves avérées, mais les responsables de bureau ont dû attendre les dernières heures du scrutin pour changer les responsables des bureaux incriminés. C’est le cas par exemple à Paris, à Doha et à Alger. En Tunisie, c’était encore pire”, nous confie le cadre du PDP. Dans les rues de Tunis, on commente les résultats partiels avec étonnement, mais pas de manifestation de joie ou de dépit pour le moment. Les Tunisiens semblent descendre de leur nuage. Pour certains, le rêve de la veille se transforme en cauchemar.
A. B.


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