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13 mars 2010 6 13 /03 /mars /2010 01:10
OCDE et Israël, lettre au Premier ministre
publié le vendredi 12 mars 2010

Jean Claude Lefort
 


Paris, le 9 mars 2010

 

 

M. François Fillon

Premier ministre

Hôtel de Matignon 57, rue de Varenne

75007 Paris

 

Monsieur le Premier ministre,

 

Le 28 février dernier je vous adressais une lettre ouverte relativement aux propos mensongers que vous avez tenus dernièrement devant le CRIF à l’occasion de son dîner actuel.

Courageusement vous ne me répondez pas…

En vérité vous ne pouvez répondre car nous n’avons jamais demandé, et nous ne demanderons jamais, le boycott des produits casher.

Et non seulement vous ne me répondez sur ce point mais vous restez également silencieux sur la question de l’introduction illégale en France des produits des colonies israéliennes en Cisjordanie occupée.

 

Il est tout de même incroyable que, premier des ministres, vous ne donniez pas de directives pour faire appliquer le droit qui concerne ces importations – droit que vient de rappeler formellement la Cour Européenne de Justice dans un arrêt du 25 février dernier. Cela fait plus de 9 mois que nous attirons l’attention des ministres en charge, et rien ne se passe. Et vous laissez faire.

 

En refusant ostensiblement de faire appliquer le droit qui émane et qui résulte, nous ne cessons de le dire à votre gouvernement, de l’Accord d’association UE-Israël (article 83) vous vous mettez en défaut grave et vous vous rendez ainsi complice de l’occupation israélienne de la Cisjordanie que, dans les mots, vous dénoncez par ailleurs.

 

Votre refus d’agir, votre laisser-faire s’apparentent clairement à une discrimination relative à l’origine, telle que mentionnée dans le Code pénal (article 225.1) et même une discrimination envers un groupe de personnes en raison de leur appartenance à une nation qui est réprimée par l’article 24 alinéa 8 de la loi sur la liberté de la presse de 1881.

 

Et voici qu’on apprend maintenant qu’Israël s’apprêterait à être accepté au sein de l’OCDE qui siège au Château de la Muette à Paris.

 

Un document confidentiel mais officiel, en date du 1er février dernier, vient d’être révélé intitulé « Adhésion d’Israël à l’organisation ».

Il nous apprend, grâce à l’article explosif de Luisa Baroni (1), que cette adhésion serait acceptée malgré le fait, pourtant rédhibitoire selon la Convention qui régit cette organisation, que l’ensemble des données prises en compte pour cette adhésion sont illicites.

Elles incluent non seulement le territoire israélien mais aussi ceux de Jérusalem-Est, des hauteurs du Golan et des colonies de Cisjordanie lesquels sont occupés depuis 1967 et sont totalement illégaux.

C’est à ce point contraire aux fondamentaux de cette association que les auteurs de l’avis publié prennent soin de préciser qu’une étude sera faite sur ces parties mais… dans l’année suivant l’entrée d’Israël au sein de l’organisation ! Et, pour se « prémunir » contre cette violation flagrante des règles de cette organisation, il est précisé qu’Israël s’est engagé à participer à cette étude.

 

Nous n’avons pas la mémoire courte, Monsieur le Premier ministre. Nous nous souvenons que l’adhésion, en 1949, de ce pays à l’ONU était strictement subordonnée au fait qu’Israël reconnaissait s’engager formellement à appliquer la résolution 181, portant sur la création de deux Etats ainsi que la résolution 194 de l’Assemblée générale de l’ONU portant notamment sur le droit aux retour des réfugiés palestiniens chassés de leur terre en 1948. C’est sur cette base stricte qu’Israël a été admis à l’ONU. Aussitôt après son admission, il s’est immédiatement et totalement défait – jusqu’à aujourd’hui – de ses engagements formels sur ce sujet.

 

Et sans remonter si loin, nous apprenions hier 8 mars, que contrairement à l’engagement pourtant extrêmement limité et en-deçà des exigences de Benjamin Netanyahu de « suspendre pendant 10 mois » les implantations de colonies, celui-ci venait d’autoriser la construction de 112 logements en Cisjordanie.

 

Cela intervenant au moment même où l’Autorité palestinienne a accepté d’ouvrir des « négociations indirectes » qui tombent à l’eau après que votre ministre des Affaires étrangères se soit félicité du courage de l’OLP d’ouvrir pareilles négociations.

 

L’intégration d’Israël au sein de l’OCDE serait donc une violation flagrante des règles régissant cette organisation. Mais plus encore et surtout celle-ci signerait le fait politique majeur que les pays membres de l’organisation acceptent, ni plus ni moins, l’occupation illégale des colonies de Jérusalem-Est et du Golan et, plus encore, l’encourage dans son impunité.

Ce serait reconnaître ni plus ni moins le statu quo ou encore accepter ce que d’aucuns appellent « le Grand Israël » et ce serait offrir un moyen aux dirigeants de ce pays de sortir d’un certain isolement international dans lequel leur politique les a placé.

 

Tout ceci qui se déroule dans un endroit qui porte bien son nom – le Château de la Muette – n’est pas acceptable.

Mais pour que cette adhésion soit permise il faut l’unanimité des pays membres.

 

La France peut et doit s’y opposer. Ceci pour les raisons politiques majeures ci-dessus évoquées de la politique israélienne qui est contraire à toutes les déclarations officielles françaises et européennes. Mais il doit aussi le faire parce que notre pays à un rôle particulier en cette affaire. C’est lui qui est, selon la Convention, le garant de celle-ci.

La Convention stipule, en effet, que : « Les instruments de ratification ou d’acceptation seront déposés auprès du Gouvernement de la République Française, désigné comme Gouvernement dépositaire ».

 

Monsieur le Premier ministre,

Il est bien clair – et cette opinion est largement partagée dans de nombreux cercles, nous le savons – que je vous demande formellement d’opposer un refus français à cette demande illégitime et provocatrice.

 

Je vous prie de croire, Monsieur le Premier ministre, en l’assurance de mes salutations distinguées.

Jean-Claude Lefort

Président de l’AFPS

 

(1)Luisa Baroni :



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