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22 mars 2013 5 22 /03 /mars /2013 01:10
20/03/2013
Obama en Israël : pourquoi le processus de paix israélo-palestinien ne reprendra pas

 

Les Israéliens comme les Palestiniens le savent depuis plusieurs semaines : Barack Obama, qui arrive ce mercredi à Tel Aviv pour une visite de trois jours en Israël et en Cisjordanie occupée, n’est porteur d’aucun nouveau plan de paix. Il vient, a-t-il précisé, "pour écouter et consulter". C’est pourquoi, au lieu de s’adresser, comme Mitterrand ou Sadate, à la Knesset, il s’exprimera au centre de congrès de Jérusalem devant la jeunesse israélienne qui, à ses yeux, détient le pouvoir de dessiner l’avenir.

 

 

Lassé et sans doute déçu des échecs qu’il a essuyés pendant son premier mandat en tentant de favoriser un dialogue direct ou indirect entre Israéliens et Palestiniens, Obama semble aujourd’hui prendre du recul.

 

 

La Maison Blanche estime toujours qu’un accord de paix servirait les intérêts de sécurité des Etats-Unis et que la fin du conflit du Proche-Orient reste pour Washington une clé de la stabilisation de la région, ébranlée par les suites des printemps arabes et l’implosion de la Syrie. Mais il est clair qu’aujourd’hui l’intérêt d’Obama, qui a passé quatre ans de son enfance en Indonésie, est surtout tourné vers l’Asie et le Pacifique où il voit se dessiner la nouvelle frontière de la prospérité américaine.

 

 

Chacun sait que, malgré ses nouvelles manifestations de cordialité à son "ami Bibi", ses relations avec Netanyahou sont exécrables. Au Premier ministre israélien, il reproche notamment son intransigeance lors des multiples tentatives de négociations avec les Palestiniens dont il a pris l’initiative ou dont il a chargé des hommes de confiance comme le sénateur Mitchell. 

 

 

Netanyahou, soutien de Romney

A des visiteurs reçus récemment à la Maison Blanche, il a confié que l’impossibilité de faire progresser le processus de paix était due à la position de Benjamin Netanyahou qui refuse toute concession. Il lui reproche aussi de multiples décisions provocatrices, en particulier l’annonce de la construction de centaines de nouveaux logements dans une colonie de la périphérie de Jérusalem au moment où le vice-président Joseph Biden était en visite en Israël.

 

 

Obama a peut-être plus mal accepté encore l’intense lobbying entrepris par Netanyahou et ses amis américains auprès du Congrès, à une période où les enjeux de politique intérieure aux Etats-Unis étaient décisifs. Comment, enfin, aurait-il pu rester insensible à l’appui ostensible apporté par le Premier ministre israélien à son adversaire républicain Mitt Romney ? Appui d’autant plus visible que le candidat républicain et le chef du Likoud partageaient les faveurs du même généreux donateur, le milliardaire Sheldon Adelson, magnat des casinos de Las Vegas à Macao et mécène assidu des politiciens conservateurs.

 

 

Netanyahou, de son côté, reproche à Obama son engagement en faveur d’un Etat palestinien et le discours de l’université du Caire de juin 2009, au cours duquel le président américain a jugé "illégitime" la colonisation des territoires palestiniens. Il l’accuse aussi d’avoir manqué à ses devoirs d’allié et à la tradition en ne se rendant pas en Israël au cours de son premier mandat.

 

Il est peu probable, malgré la mise en scène d’une amitié nouvelle et réciproque, malgré les gestes symboliques inscrits au programme d’Obama, malgré une scénarisation du voyage manifestement destinée à améliorer son image dans l’opinion israélienne, que ce contentieux s’efface en quelques jours.

 

"Obama arrive avec la carotte, Kerry viendra avec le bâton", avertissait mardi le quotidien gratuit israélien "Israël Hayom". Proche du Likoud, ce journal (propriété de Sheldon Adelson) qui est aujourd’hui le plus gros tirage de la presse locale semble redouter que le secrétaire d’Etat américain, John Kerry, qui doit accompagner le président mais qui restera en Israël après le retour à Washington de celui-ci, se montre moins cordial.

 

 

Les Palestiniens, déçus par Obama

 Rien, pour l’instant, n’indique que la Maison Blanche ait l’intention de "tordre le bras" de Netanyahou pour l’inciter à revenir à la table des négociations, mais les dirigeants israéliens n’ignorent pas que Washington dispose d’arguments très convaincants. Le premier pourrait être la décision de ne plus soutenir systématiquement Israël aux Nations unies. Un autre, plus douloureux encore, pourrait être la mise sous condition, voire l’interruption, du versement de l’aide annuelle de 3 milliards de dollars fournie par les Etats-Unis à Israël.

 

Confrontés à une crise économique et politique alarmante, dans l’incapacité de mener à bien la réconciliation Fatah-Hamas et d’organiser les élections qui conféreraient une nouvelle légitimité à leurs dirigeants, les Palestiniens, de leur côté, n’attendent aucun miracle de cette visite. Après avoir beaucoup compté sur Barack Obama, dont le premier appel téléphonique à son entrée à la Maison Blanche avait été pour Mahmoud Abbas, après avoir applaudi avec enthousiasme et émotion le discours du Caire, ils ont déchanté en constatant que le successeur de George Bush assistait, passif, au développement de la colonisation. Même lorsqu’il est devenu évident que l’étendue des terres annexées et construites rendait impossible la création d’un Etat palestinien viable.

 

Et ils sont passés de la déception à l’amertume, puis à la colère, lorsqu’Obama s’est opposé à l’admission de la Palestine à l’ONU, décision tenue pour une véritable trahison que le président américain a aggravé, aux yeux des responsables palestiniens, en décrétant des représailles financières au moment où la situation de l’économie palestinienne commençait à devenir précaire.

 

Le pessimisme des Palestiniens est d’autant plus fondé que le nouveau gouvernement israélien qui vient de prêter serment n’incite pas à croire à une reprise du dialogue. L'équipe issue des élections de 2009 était considérée comme la plus à droite de toute l’histoire d’Israël. Celle qui vient d’entrer en fonction, après 40 jours d’âpres tractations, n’est pas moins à droite, mais elle donne en plus aux colons un pouvoir dont ils n’avaient jusqu’à présent jamais disposé, du moins d’une manière aussi directe.


La montée en puissance des colons

Avec l’absence des représentants des ultra-orthodoxes ashkenazes et sépharades, qui avaient participé à la quasi-totalité des gouvernements depuis la naissance d’Israël en 1948, et surtout depuis l’arrivée au pouvoir du Likoud en 1977, l’entrée dans la coalition et dans l’équipe gouvernementale d’une aussi puissante représentation des colonies est l’une des conséquences majeures du scrutin du 22 janvier.

 

C’est un ancien secrétaire général du Conseil des colonies, Uri Ariel, membre du parti "Foyer juif" et résidant dans la colonie de Kfar Adoumim, près de Jericho, qui vient d’être nommé ministre du Logement, poste capital pour attribuer crédits et terrains. C’est un autre membre du "Foyer juif" qui présidera désormais la puissante commission des Finances de la Knesset, outil majeur de l’affectation des crédits.

 

C’est un ancien général proche de Netanyahou, membre du Likoud, Moshe Yaalon, partisan résolu de la colonisation, qui vient d’être nommé ministre de la Défense. Yaalon, qui était hostile à l’évacuation en 2005 des colonies de Gaza, est opposé à la création d’un Etat palestinien et affirme qu’aucune négociation n’est possible car "il n’y a pas de partenaires pour la paix" chez les palestiniens.

 

Quant au ministère des Finances, dont l’appui est indispensable pour développer la colonisation, il est revenu au véritable vainqueur du scrutin de janvier, le journaliste Yair Lapid, fondateur du parti laïc Yesh Atid (Il y a un avenir), qui a fait campagne sur l’abrogation des dispenses de service militaire accordées jusque là aux ultra-orthodoxes, dans un pays où les jeunes passent trois ans sous les drapeaux. Yair Lapid, qui rejette toute division de Jérusalem entre Israéliens et Palestiniens, a choisi de commencer sa campagne à Ariel, l’une des plus grandes colonies de Cisjordanie.

 

Pour ceux qui n’auraient pas compris le message qu’incarnent ces nominations, le nouveau vice-ministre de la Défense, Danny Danon (Likoud) vient de le délivrer de façon on ne peut plus claire. Dans une déclaration, mardi, à la radio d’Etat, il a affirmé que "le nouveau gouvernement va renforcer la colonisation en Judée-Samarie [Cisjordanie], en Galilée  et dans le Negev". "L’ère Ehoud Barak est finie", a même précisé le vice-ministre, qui a accusé l’ancien ministre de la Défense d’avoir fait obstacle à la colonisation.


Le plan B de Tzipi Livni

 Lorsqu’on se souvient que le gel de la colonisation, réclamé par la feuille de route du Quartette (Etats-Unis, Nations unies, Union européenne, Russie) est la condition absolue exigée par les responsables palestiniens pour reprendre des négociations, on mesure la profondeur de l’impasse où s’est enfoncé le processus de paix. Car si les Palestiniens  sont disposés à faire preuve de souplesse sur d’autres points, ils risquent fort d’être intraitables sur cette exigence.

 

Et pour cause. Entre la signature des accords d’Oslo, en septembre 1993, et aujourd’hui, le nombre de colons en Cisjordanie et à Jérusalem-Est est passé de 200.000 environ à plus d’un demi million. Lorsqu’on ajoute à cela la multiplication des routes réservées aux colons, les réquisitions de terres et les démolitions de maisons qui se poursuivent, la construction du mur de séparation achevé à 70%, l’ouverture partout de nouveaux chantiers, l’aménagement, entre Jérusalem et la colonie géante de Maale Adoumim, d’une zone baptisée E-1 qui coupe en deux la Cisjordanie, il est clair que tout est fait, ou presque, pour rendre impossible la création d’un Etat palestinien.

 

D’autant que nombre de membres du nouveau gouvernement israélien sont favorables à l’annexion pure et simple de la  "zone C", qui rassemble la quasi-totalité des colonies et représente plus de 60% de la Cisjordanie.

 

La situation est si sombre que Tzipi Livni, nouvelle ministre de la Justice, qui a été chargée par Netanyahou du dossier des négociations avec les Palestiniens, n’a pas caché son pessimisme. L’ancienne ministre des Affaires étrangères, partisane de la création d’un Etat palestinien, qui semble avoir reçu cette mission de négociatrice pour rassurer les Etats amis d’Israël, favorables à la reprise du processus de paix, était l’invitée, il y a une semaine, du forum stratégique d’Herzliya, lieu de rencontre des décideurs et des experts, civils et militaires, israéliens. "Pour le cas où la solution à deux Etats serait impossible, a-t-elle averti, il serait sage de commencer à chercher un plan B."      

       

 

 

 

 

http://renebackmann.blogs.nouvelobs.com/archive/2013/03/20/obama-en-israel-pourquoi-le-processus-de-paix-israelo-palest.html
 


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